Des manifestations islamistes « antiaméricaines » éclatent un peu partout dans les pays musulmans depuis mardi, après la diffusion d’un film qualifié de « blasphématoire et islamophobe ».
Les protestations contre le film « Innocence of Muslims » (l’innocence des musulmans) font tâches d’huile. Après l’assaut de l’ambassade des Etats-Unis au Caire en Egypte, l’attaque mortelle du consulat américain de Benghazi, voilà que l’on parle d’un mouvement islamiste « antiaméricain » qui se repend partout.
Mardi. Tout a commencé au Caire, devant l’ambassade des Etats-Unis où des manifestants ont escaladé la façade de l’ambassade, arraché la bannière étoilée…pour dénoncer, en somme, le film qu’ils jugent d’ « insultes » de la religion et en particulier du prophète Mohamet. Les manifestations se sont poursuivies jusqu’à ce jeudi où la résistance des manifestants ont obligé les forces de l’ordre à procéder à l’usage de gaz lacrymogène.
Des manifestations ont également eu lieu devant les représentations américaines à Casablanca (Maroc), Tunis (Tunisie) et au Khartoum (Soudan). Mais celles de Libye ont surtout été meurtrières. L’ambassadeur américain Christopher Stevens et trois autres diplomates ont trouvé la mort suite à une attaque à la roquette d’hommes armés du consulat de Benghazi.
Mercredi. Les Frères musulmans, première force politique égyptienne ont appelé à des « manifestations pacifiques » pour ce vendredi, à travers l’Egypte, devant les principales mosquées pour dénoncer le long-métrage qui porte préjudice à la religion. Ce n’est pas un « appel à une grande manifestation susceptible de dégénérer (…) », a souligné Khaled Hanafi, député de l’aile politique des Frères musulmans.
Jeudi. Une manifestation est prévue à Téhéran devant l’ambassade de Suisse qui représente les intérêts américains. Une autre s’est également tenue à Sanaa, capitale du Yémen où plusieurs milliers de contestataires ont pris d’assaut l’ambassade américaine. Ils ont brisé les vitres des locaux de sécurité et sont entrés dans l’enceinte de l’ambassade où ils ont mis le feu à des véhicules diplomatiques.
Le dernier bilan des manifestations rapporté par Le Monde fait état d’un mort et de cinq blessés après l’intervention des forces policières yéménites qui ont dû ouvert le feu pour disperser les « assaillants ».
A Gaza comme à Bangladesh ou encore en Mauritanie, plusieurs centaines de manifestants ont également manifesté contre les américains. Le ministre des Waqfs du gouvernement du Hamas a alors appelé les manifestants à « boycotter les produits américains » alors qu’un millier d’islamistes qui ont tenté de marcher sur l’ambassade des Etats-Unis à Dacca ont été empêchés par les forces de l’ordre.
Des mesures de sécurité :
Libye. Les Etats-Unis ont déjà dépêché une équipe antiterroriste de marine américaine. L’on évoque ainsi du déploiement de « deux destroyers » à proximité de la Libye par « mesure préventive » qui écarte malgré tout toute opération militaire imminente. Le Président américain pour sa part a déjà ordonné le renforcement des mesures de sécurité autour de toutes les missions diplomatiques à travers le monde.
Indonésie. Les autorités indonésienne, pays musulman le plus peuplé au monde, tout comme celles de l’Afghanistan, ont appelé Youtube à bloquer la diffusion du film « polémique ».
« Ce film est sans aucun doute une insulte envers une religion et il a bouleversé les musulmans indonésiens. Nous ne souhaitons pas que quiconque se sente provoqué et que des violences surviennent ici », a expliqué Gatot Dewa Broto, porte-parole du ministère de l’Information et des Communication.
Les réactions fusent de partout :
Le président égyptien Mohamed Morsi a condamné jeudi les « atteintes » contre Mahomet mais rejette toutes formes de violences. « Nous, les Egyptiens, nous refusons tout type d’agression ou d’insulte à notre prophète », avant de lancer un appel à « tout le monde à ne pas contrevenir à la loi en Egypte et (…) à ne pas agresser les ambassades. »
Le président du Conseil français du culte musulman Mohamed Moussaoui, lui, a appelé les musulmans à défendre la région « dans la légalité ». Dans l’extrait d’un communiqué rapporté par Le Monde, il a indiqué qu’ « il est indigne de prétendre défendre la dignité de l’islam en portant atteinte à la vie de personnes innocentes ». Par ailleurs, le recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur qualifie de « blasphématoire et islamophobe » le film « Innocence of Muslims » tout en appelant « au calme la communauté musulmane de France ».
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu a déjà adressé mardi à travers un communiqué officiel ses condoléances aux Etats-Unis pour la mort de l’ambassadeur américain et de trois employés de l’ambassade alors que le porte-parole du ministère des affaires Etrangères Yigal Palmor précise l’inexistence du moindre lien de l’Israël à l’auteur du film. « Il ne l’a fait pas pour nous, ni en coordination avec nous ni par aucun canal connecté aux institutions israéliennes. (…) il ne représente que lui-même ».
Par le biais de son ministre des affaires Etrangères, la Russie aurait aussi déjà réagi. Sergueï Lavrov a condamné l’attaque contre le consulat américain à Benghazi, rapporte Le Monde. En passant, il aurait souligné que Moscou et Washington devait unir leurs efforts.
Des suspects arrêtés :
Les responsables libyens ont annoncé ce jeudi l’arrestation de suspects qui ont causé la mort de quatre américains à Benghazi dont l’ambassadeur Christophe Stevens. Wanis al-Charef, vice-ministre de l’intérieur, a indiqué que le ministère de « l’intérieur et la justice ont commencé les investigations et la collecte de preuves et quelques personnes ont été arrêtées ».
Le porte-parole de la Haute commission de sécurité du ministère de l’Intérieur, Abdelmonem al-Horr, a annoncé la formation d’une commission indépendante pour enquêter sur l’attaque. Cette commission sera présidée par un juge et regroupe des "experts" des ministères de la Justice et de l’Intérieur.
L’enquête est « très compliquée », reconnaît le porte-parole de la Haute commission. Parmi la foule présente dans le périmètre du consulat de Benghazi, « il y avait des extrémistes, de simples citoyens, des femmes, des enfants, des criminels ».
Sources : Le Monde, Le Point, Nouvel Observateur