Agriculture ruinée, populations déplacées, écosystèmes détruits : si rien n’est fait pour contrer le phénomène, le réchauffement climatique se traduira par un désastre de grande ampleur pour le fragile delta du Nil. Les répercussions seront terribles pour les hommes et l’économie.
Il faut relire la saga des Egyptiens de l’auteur sud africain Wilbur Smith. 4 volumes qui se lisent à la vitesse du TGV et qui se déroule en 1800 avant Jésus Christ. Une plongée dans l’Egypte ancienne, lieu terrible où la quête du pouvoir est assassine. Mais lieu magique où la vallée du Nil nourrit tout un peuple. Le delta du Nil, un lieu de rêve ou un cauchemar se fabrique.
Un rapport gouvernemental sur le littoral d’Alexandrie rendu public récemment annonce une élévation des eaux de 30 cm d’ici 2025, inondant par la même occasion environ 200 km2, et provoquant l’exode d’un demi-million de personnes. Il s’agit de la deuxième ville du pays. D’ici la fin du siècle, pas moins de 7 millions d’habitants du delta pourraient ainsi devenir des réfugiés climatiques. Ce grenier qui s’étend à partir du Caire vers la Méditerranée voit déjà la montée des eaux ronger ses terres et stériliser les cultures par des remontées de sel. Au cours du siècle dernier, le niveau de la mer est monté de 20 centimètres. Des experts ont des annonces apocalyptiques. Une élévation d’un mètre encore suffirait à noyer 20% des terres du delta.
L’Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe (80 millions d’habitants). Et cette région fertile fournit environ le tiers des récoltes du pays. Une bonne partie va à l’exportation, générant ainsi des revenus importants. Certains agriculteurs ont déjà abandonné leurs terres, et d’autres tentent de faire face en recouvrant les champs de lits de sable pour isoler les cultures du sous-sol gorgé de sel. Des entreprises d’ingénierie spécialisées se sont déjà penchées sur le problème.
Un projet pharaonique pour relever la côte de deux mètres, en créant une digue empêchant à la fois l’eau de passer et les infiltrations salées de remonter. Ce projet a été soumis en 2007 mais n’a pas encore reçu d’approbation, de crainte notamment qu’il n’affecte les grandes plages très touristiques de la côte. L’Egypte est tiraillée. Elle reconnaît qu’elle est victime d’un réchauffement climatique planétaire, mais en rejette la responsabilité sur les grandes puissances industrialisées.
Mohammed al-Raey, expert du Centre régional de réponse aux catastrophes, appartenant à
l’université d’Alexandrie déclare que l’Egypte ne compte que pour 0,6% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Sa proposition face à la menace climatique : transformer les zones inondables en zones piscicoles, et construire des digues pour en protéger d’autres.
Le problème c’est que le changement climatique ne figure pas dans les priorités officielles. Le complexe écosystème du Nil, fleuve le plus long d’Afrique, a déjà été profondément bouleversé dans les années 60 par la construction du barrage d’Assouan, en Haute-Egypte. Cet ouvrage colossal a permis de réguler les crues souvent catastrophiques du fleuve, mais du même coup il retient les limons naturels fertiles qu’il charriait jusqu’au delta, entraînant un recours accru aux engrais chimiques.