Elle est jeune, belle et de bonne famille. Mais engagée "corps et âme" dans le bodybuilding, la Jordanienne Farah Malhass fait scandale dans une société arabe où culturisme et féminité sont antinomiques.
AMMAN (AFP) - Elle est jeune, belle et de bonne famille. Mais engagée "corps et âme" dans le bodybuilding, la Jordanienne Farah Malhass fait scandale dans une société arabe où culturisme et féminité sont antinomiques.
Pour ne rien arranger à sa situation, cette petite brune de 26 ans aux grands yeux noirs a une autre passion mal acceptée dans une société conservatrice : les tatouages.
S’étalent ainsi sur son corps musclé, un ange nu aux seins proéminents sur le haut des cuisses, des ailes d’ange sur le dos, ou encore des inscriptions sur les bras, comme "tu n’es quelqu’un que lorsque tu cesses de n’être personne".
"Le tatouage est vital pour moi. Il raconte mon identité et le chemin que je veux emprunter", dit Farah, qui se rend régulièrement à Beyrouth pour se faire tatouer.
"Oui ça fait mal, mais c’est en même temps thérapeutique car la douleur me permet de surmonter le mal qui me ronge", dit cette "rebelle" qui a eu son premier tatouage à 17 ans.
Un père absent, une mère souvent en voyage, c’est son grand-père, un ancien commandant en chef de l’armée de l’air jordanienne dans les années 70, qui l’a élevée, elle et sa soeur.
"C’est mon grand-père qui s’est occupé de nous. Il m’a toujours beaucoup gâtée mais à 20 ans j’ai voulu vivre seule et réaliser mon rêve".
Ce rêve de devenir culturiste, elle le caresse depuis l’âge de 14 ans. En voyant une affiche représentant un adepte de ce sport, elle s’était juré qu’un jour, ce serait ses photos qui recouvriraient les murs des gymnases.
A 20 ans, Farah commence donc à s’entraîner mais, bien vite, elle se heurte à sa famille qui ne comprend pas pourquoi "elle déforme son corps". Lasse, elle finit par accepter ce qu’on attend d’elle. Elle s’inscrit dans une université de Londres pour étudier les Beaux-Arts. Mais elle abandonne rapidement.
En 2007, elle rejoint l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour travailler en Jordanie avec des immigrés irakiens, "une expérience qui m’a meurtrie avec les récits de torture et d’abus", dit-elle.
Elle quitte l’OIM en 2009 pour se consacrer complètement au culturisme, avec une ambition : devenir la première femme arabe à participer à des compétitions internationales de bodybuilding.
Aujourd’hui, son rêve est sur le point de se réaliser. Elle doit participer en septembre à Toronto (Canada) à une compétition internationale de bodybuilding pour amateurs, dans la catégorie "figure", un mélange de fitness et de bodybuilding pour celles qui ne veulent pas développer leurs muscles à l’extrême.
"Si je remporte le premier prix, je pourrais alors participer aux compétitions professionnelles", dit-elle avec conviction.
Mais ce n’est pas dans son pays qu’on risque de l’encourager.
"Tout le monde est contre moi. Personne ne comprend que je veuille devenir une star internationale de figure-bodybuilding", déplore-t-elle.
La fédération jordanienne de bodybuilding a du mal à accepter qu’une femme puisse se livrer à une telle discipline. "Vous n’avez pas honte de vous exposer en bikini devant le monde ?", lui aurait-on dit.
Seul un athlète jordanien, Zeid al-Far, qui se rendra aussi à Toronto, soutient Farah. Ils sont devenus amis et partagent le coût de leur entraînement.
Leur chasse aux sponsors n’a eu d’échos à Amman que chez le gérant d’une radio et, à Beyrouth, auprès d’une propriétaire de boîte de nuit.
"La préparation pour la compétition est coûteuse. Il y a toutes les vitamines et autres suppléments, les abonnements aux gymnases, la nourriture (...) J’ai vendu ma voiture pour tenter de joindre les deux bouts", dit-elle.
Et sa famille, ne peut-elle l’aider ? "Je veux compter sur moi-même. Et d’ailleurs, mon grand-père est malade et si jamais il apprenait que je vais participer à une telle compétition, il ne s’en remettrait certainement pas".