Ces législatives sont très importantes pour la stabilité du pays, mais les électeurs se sont rendus aux urnes dans la morosité, hier. Le désenchantement est toujours là, près quatre ans après la Révolution.
La campagne électorale était marquée par la désillusion, commente Le Parisien aujourd’hui. Chômage et insécurité sont en effet toujours le lot de nombreux tunisiens, près de quatre ans après la révolution qui a mis fin à la dictature de Ben Ali.
Deux partis partaient largement favoris pour le scrutin d’hier : les islamistes d’Ennahda, qui ont été au pouvoir pendant deux ans, jusqu’au début 2014, et le parti Nidaa Tounes (Appel de la Tunisie) du vétéran Béji Caïd Essebs, 87 ans et qui sera candidat à la présidentielle, qui rassemble des opposants à Ben Ali mais aussi des anciens hiérarques du régime.
Les deux formations sont arrivées en tête, devant largement tous les autres partis, mais elles étaient au coude à coude, selon les dernières tendances enregistrées dimanche soir. Sortis vainqueurs des premières élections libres en Tunisie en 2011 avant d’être contraints de quitter le pouvoir, les islamistes se sont démenés pendant la campagne.
Ennahda a mobilisé d’énormes moyens et a organisé des meetings un peu partout. Rached Ghannouchi, elu chef a exhorté l’électorat à donner « une autre chance » à son parti, qui au lendemain de la révolution avait donc dirigé la Tunisie pendant deux ans dans le cadre d’une troïka formée avec deux partis séculiers : le Congrès pour la République de Moncef Marzouki et Ettakatol (socialiste) du président de l’Assemblée constituante sortante Mustapha Ben Jaafar.
« Nous avons réalisé le premier objectif de la révolution qui est la liberté » affirme Ghannouchi. « Nous n’avons pas créé de miracle économique. Mais notre bilan économique est meilleur que celui des technocrates qui ont pris la relève de la troïka ». Il espérait un raz-de-marrée dimanche, pour « réaliser le deuxième objectif de la révolution : développement et justice sociale ».
Son grand adversaire, le parti Nidaa Tounes, espère aussi la déroute des islamistes et entend incarner une alternative : « Celui qui ne va pas voter Nidaa, il vote Ennahda. Et ça veut dire voter pour la troïka qui trois ans durant a ramené la Tunisie en arrière », a souligné Béji Caïd Essebsi.
Ennahda s’est efforcé de présenter un visage ouvert et conciliant au cours de la campagne. Certains radicaux ont été écartés des listes électorales. Le chef du parti a joué à fond la carte de l’islamisme modéré, se disant même démocrate au point d’irriter ses adversaires, notamment des femmes qui lui rappellent l’émergence de « groupuscules islamistes issus de ses rangs et qui sèment la terreur ». Ghannouchi rétorque avoir quitté le pouvoir lors du « dialogue national » pour le bien de la Tunisie.