La version des faits exposée par Oscar Pistorius n’a pas convaincu le procureur Gerrie Nel. L’ancien champion a prémédité son acte, selon le magistrat.
Le procureur Gerrie Nel a conclu son argumentation lors du procès d’Oscar Pistorius, hier, par cette phrase : « Notre réquisition est que l’accusé doit être condamné pour meurtre », rapporte Libération aujourd’hui. Le réquisitoire a duré presque cinq heures. L’ancien champion paralympique risque une peine incompressible de vingt-cinq ans de prison s’il est reconnu coupable d’assassinat.
Le décès, dans la nuit de la Saint-Valentin 2013, de sa petite amie, Reeva Steenkamp, est du à un accident, a soutenu l’accusé. Oscar Pistorius l’avait prise pour un cambrioleur, selon sa version. Le procureur a insisté : l’accusé « ne peut pas échapper à une condamnation pour meurtre », que cette version soit retenue ou non.
Le procureur Nel est en outre convaincu que Pistorius s’est décidé à tuer son amie quand il a chargé son arme, ce qui sous-entend une préméditation. L’accusé a volontairement abattu sa compagne, réfugiée dans les toilettes à l’issue d’une violente dispute, selon lui.
« Fausse et fabriquée », tels sont les qualificatifs attribués à la version de Pistorius par le procureur. Même s’il est retenu que Pistorius a cru à l’intrusion d’un cambrioleur, il a bel et bien tiré sans être directement menacé, comme il l’a implicitement admis en racontant sa version des faits.
Toute la journée, le procureur Nel s’est efforcé de démontrer que la version avancée par l’accusé était remplie de contradictions et avait été « fabriquée » dans l’objectif de masquer la vérité. Il précise dans le requisitoire remis à la juge et communiqué à la presse : « Si elle rejette la fausse version inventée par l’accusée, la cour n’aura pas d’autre choix que d’admettre que l’accusé savait que la victime était dans les toilettes, et a tiré quatre fois intentionnellement sur elle dans le but de la tuer. »
Le cas dans lequel la cour accepterait l’une des versions de Pistorius - le tir incontrôlé et involontaire sous l’effet de la panique, dans un pays au taux de criminalité très important-, a été même envisagé par le procureur Nel. Mais même dans ce cas, « l’accusé ne peut pas échapper à une condamnation pour homicide involontaire », a-t-il soutenu.
Le procureur a dessiné à l’audience ce qu’il a appelé « une mosaïque de faits » en reprenant l’ensemble des témoignages, y compris celle de l’accusé. Chaque mensonge de Pistorius avait « un effet domino », et l’avait obligé à reconstruire sa version pour rester cohérent, a-t-il essayé de démontrer.
« Selon sa propre version, l’accusé a agi de manière tellement irrationnelle que sa version ne peut pas être retenue comme raisonnablement vraie », a tonné Gerrie Nel à l’audience. Il a énuméré « les 13 mensonges les plus flagrants » dans le témoignage de Pistorius.
Le premier mensonge concerne son mode de défense lui-même : après avoir longtemps affirmé qu’il avait entendu du bruit dans les toilettes et tiré dans un geste d’autodéfense, croyant à l’intrusion de cambrioleurs, il a ensuite tenté d’expliquer qu’il avait tiré sans intention de le faire, plaidant la thèse d’un accident.
Le récit exposé par Pistorius lui-même aggrave son cas, car il n’aurait pas vérifié la présence de Reeva Steenkamp dans le lit avant de tirer et se serait volontairement dirigé vers la porte fermée des toilettes, là même où se trouvait le danger selon lui : « Un comportement normal voudrait qu’il ait parlé avec sa partenaire de ces bruits inquiétants et spécialement s’il se sentait la responsabilité de la protéger. Au minimum on regarde si elle est là et on s’assure qu’elle est saine et sauve », a argumenté le procureur Nel.
Il a poursuivi : « La version de l’accusé, disant qu’il s’est approché du danger sans avoir eu d’échange avec sa victime est non seulement improbable, mais, en réalité, désastreuse pour sa défense. Aucune cour n’acceptera favorablement la version d’un accusé qui s’est délibérément mis en danger et qui ensuite a agi en position d’autodéfense ».
C’était au tour de l’avocat de la défense Barry Roux de prendre la parole pour soulever les « erreurs » du procureur. Sa plaidoirie devait très probablement être interrompue pour reprendre vendredi matin, dernier jour d’audience.
Le verdict de la juge Thokozile Masipa est attendu à une date ultérieure, après une éventuelle négociation de la peine. Ce sera l’épilogue d’un long feuilleton télévision et judicaire qui a tenu en haleine les Sud-Africains depuis le 3 mars.