Le gouvernement français n’a pas exclu vendredi une loi pour interdire le port du niqab ou de la burqa, devant le débat lancé par des parlementaires qui dénoncent ce voile intégral revêtu par certaines femmes musulmanes en France. Une question particulièrement sensible en métropole, mais plus apaisée à la Réunion.
Une demande de commission d’enquête parlementaire sur le port de la burqa, signée par une soixantaine de députés a ravivé ces derniers jours la polémique sur la laïcité en France, seul pays européen à avoir légiféré, en 2004, pour interdire le voile islamique à l’école. Signe de la sensibilité du sujet en France, où vivent 5 millions de musulmans, la question divise les associations, la classe politique, et jusqu’au gouvernement. La secrétaire d’Etat à la Ville Fadela Amara, d’origine algérienne, a prôné vendredi "l’interdiction totale de la burqa" et qualifié le niqab de "cercueil qui tue les libertés fondamentales". En revanche, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale Eric Besson a réaffirmé son "scepticisme" face à une loi qui serait "inefficace".
L’opposition socialiste a appelé à éviter les solutions "simplistes". "Bien sûr qu’on est opposés à la burqa, au voile intégral, mais ce que je souhaite d’abord c’est qu’on s’occupe de l’insertion de ces populations", a expliqué sa dirigeante Martine Aubry, faisant référence au chômage qui frappe particulièrement les banlieues défavorisées à forte population musulmane. Ce samedi, Patrick Lebreton indique qu’il n’est pas signataire de la demande de commission d’enquête parlementaire, "un procédé profondément inadapté et potentiellement discriminant" et rappelle son attachement "au principe de laïcité ainsi qu’à l’émancipation des femmes". L’élu socialiste juge néanmoins que "le principe de laïcité doit s’équilibrer avec la liberté de culte". Patrick Lebreton poursuit sur la société réunionnaise, "construite pleinement dans la République et ses principes mais dans le respect des spécificités communautaires et cultuelles (...), un modèle identitaire (qui) devrait servir d’exemple à la France hexagonale (...)". Reste à savoir toutefois ce qui, du modèle réunionnais, pourrait être transposable à un hexagone soumis à des contraintes et à une histoire avec ses voisins méditerranéens, dont la Réunion est épargnée.
Reste aussi à savoir ce qu’en pensent les premières concernées : les femmes. Celles que LINFO.re a questionné dans les rues de Saint-Denis revendiquent "un choix personnel", qui n’a rien à voir avec "une quelconque forme de soumission". Un point de vue partagé par Mohamad Bhagatte, Imam de la grande mosquée de Saint-Denis : "je cotoie beaucoup de femmes qui se voilent entièrement, et, à ma connaissance il n’y en a aucune qui le fait sous contrainte".
Le port du voile intégral est d’ailleurs considéré comme "très marginal" par les organisations musulmanes. Quelque 2.500 femmes, se réclamant du salafisme, un islam puritain et ritualiste, seraient concernées, selon des enquêtes récentes. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), organe représentatif de la communauté, a réitéré samedi sa "ferme opposition" à la mise en place d’une enquête parlementaire, craignant la "stigmatisation des musulmans". Pour Mohamad Bhagatte : "on est une nouvelle fois de plus en train de stigmatiser la société musulmane ; la France est un état laïque, où chaque composante quelque soit son origine culturelle ou cultuelle a le droit de s’exprimer".
Pour Dounia Bouzar, ex-membre du CFCM spécialiste de l’islam en France, poser le débat sur le niqab dans des termes religieux est une erreur. Elle estime que "l’argument sécuritaire" doit être utilisé, comme en Belgique, où dans certaines villes toute personne qui masque son visage hors période de carnavals est passible d’amende. "C’est du droit commun. Cela ne stigmatise pas de religion", explique-t-elle.