À l’heure où ces lignes sont écrites, une demi-douzaine de pompiers sont en intervention sous le pont de Saint-Gilles. Ils tentent en vain de réanimer un homme qui s’est donné la mort par pendaison durant la nuit.
Hier aux alentours de 17h, c’est un autre jeune de 20 ans qui a été découvert inanimé du côté de Saint-Pierre, plus précisément dans un appartement de l’immeuble Dindar au boulevard Bank. La thèse du suicide est évoquée, celle criminelle est écartée. Le parquet a demandé une autopsie.
La journée d’hier avait également commencé par un drame. Cette fois encore dans l’Ouest. Un homme de 64 ans, dépressif et pensionnaire à l’association « momon papa lé la », s’est pendu aux aurores à un arbre, au niveau du Cap Homard.
Dimanche dernier, deux corps ont été découverts dans le Sud et l’ouest. Le premier en contrebas du pont de l’Entre-Deux. Selon les enquêteurs, un homme de 21 ans s’est jeté dans le vide par dépit amoureux. Un peu plus tard dans la journée, les pompiers iront récupérer le corps d’un autre homme de 27 ans, dans le fond de la ravine Trois Bassins.
Chaque année, plusieurs dizaines de personnes font une TS (tentative de suicide), la grande majorité en réchappe, mais ces derniers jours, les tentatives se soldent par le décès.Interrogés les pompiers de Saint-Denis affirment qu’en fin d’année, les tentatives sont plus nombreuses, d’où une augmentation proportionnelle du nombre de morts.
La dernière étude sur le suicide à La Réunion (source Drass)
L’INSERM procède à la codification des bulletins des causes médicales de décès remplis par les médecins : les dernières données disponibles concernent l’année 2001. Ces statistiques de mortalité ne sont toutefois pas exemptes de biais et conduisent à une sous-estimation du nombre de décès par suicide du fait d’un défaut de déclaration par les instituts médico-légaux ou de l’existence de « suicides cachés » inscrits dans d’autres causes de décès comme les accidents, les intoxications.
Malgré une évolution irrégulière, l’évolution du suicide à La Réunion peut être regroupée en deux phases. Tout d’abord, une période de forte croissance de 1983 à 1993, année où l’on enregistre le plus important nombre de suicide des deux dernières décennies (129). Sur cette période, le nombre de suicides a connu une croissance de 61%. Depuis 1993, nous constatons une diminution des suicides de 30% qui n’atteignent plus que 99 en 2001.
Fait inquiétant et récent, depuis 1999, le nombre de suicides croit constamment de x % par an. La courbe indiquant le nombre de suicides pour 100 000 habitants connaît la même tendance que le nombre brut de suicide. Les valeurs extrêmes de ce taux de suicide sont enregistrées en 1993 (20.4 suicides pour 100 000 habitants) et en 1998 (11.3 suicides). La reprise de l’augmentation du nombre de suicides est également visible à travers ce taux puisqu’il a augmenté de 3 points entre 1999 et 2001.
Répartition par âge et sexe
Un suicide masculin très prononcé… 8 suicides sur 10 sont masculins
Le suicide demeure très majoritairement une cause de décès masculine. Le segment rose représente le nombre de suicide féminin sur l’ensemble des suicides d’une année. Le pourcentage de suicide féminin connaît son niveau le plus faible en 1984 avec 14.3% de
l’ensemble des suicides de l’année (soit 11 suicides) et atteint son maximum en 1986 avec 29% de l’ensemble des suicides (soit 29 suicides). De 1983 à 2001, les suicides féminins représentent 20.6% (386 des 1873 suicides) de l’ensemble des suicides de la période.
385 suicides d’hommes pour 100 suicides de femme
Sur la période 1983-2001, le taux de masculinité des décès par suicide est en
moyenne de 385 hommes pour 100. Il atteint son apogée en 1999, où pour 100 femmes
suicidées corresponds 733 hommes ! A titre comparatif, en 2001, le rapport de masculinité sur l’ensemble des décès s’élève à 135 hommes pour 100 femmes.
Un suicide qui intervient plus tard …
Sur la période allant de 1983 à 2001, l’âge moyen des hommes au suicide est de 39.3 ans tandis que celui des femmes s’élève à 38.9 ans. L’évolution d’une année à l’autre de cet âge moyen est aléatoire en raison des petits effectifs concernés.
De plus, il existe une modification de la structure par âge des suicidés. Chez les hommes, les suicides des 15-30 ans représentent 47% du nombre total de suicides sur la période 1983-1989. Cette proportion est tombée à 41% en 2000-2001. Le suicide des
hommes intervient donc plus tard dans la vie. Pour les femmes, la part des suicides des 15-35 ans passe de 33% sur la décennie 80 à 50% en 2000-2001. A l’inverse des hommes, les femmes tendent à se suicider à un âge de plus en plus jeune. Le taux de suicide calculé pour chaque sexe et pour chaque groupe d’âge permet une comparaison non biaisée par des effets de
structures par âge et/ou sexe.
Les taux de suicide par âge des hommes réunionnais sont supérieurs à tous les
âges à ceux des femmes . Les taux féminins dépassent rarement les 10 suicides pour 100 000 individus tandis que pour les hommes le taux le plus important est de prés de 50 suicides pour 100 000 individus (atteint à 60 ans). Cela confirme le fait que le suicide intervient beaucoup plus fréquemment chez les hommes.
Comparaison avec la métropole
Les hommes réunionnais se suicident plus fréquemment que les métropolitains aux
âges jeunes (avant 40 ans) et entre 50 et 55 ans. Après cet âge, les taux de suicide des
hommes métropolitains croissent constamment pour dépasser entre 80 et 85 ans
le seuil des 100 suicides pour 100 000 hommes. A partir de 80 ans, le taux de suicide des hommes réunionnais devient nul.
Pour les femmes, nous pouvons faire les mêmes constatations que chez les hommes : un taux de suicide supérieur aux âges jeunes pour les femmes réunionnaises et nul aux âges élevés. Avant 35 ans les femmes réunionnaises se suicident plus que les femmes métropolitaines. Passé cet âge, les taux métropolitains demeurent constamment supérieurs à ceux des femmes réunionnaises. A partir de 70 ans, le taux de suicide des femmes réunionnaises devient nul.
L’apparition précoce du suicide chez les réunionnais provient probablement de la jeunesse de la population réunionnaise par rapport à la population métropolitaine.
DRASS REUNION
Service Études et Statistiques
Décembre 2005