La Réunion et plus largement l’Océan Indien connaissent actuellement une période de forte sècheresse. La Chambre d’Agriculture de la Réunion tient à rappeler les chiffres révélés par l’Office de l’Eau dans son dernier bulletin, à savoir ’’un déficit statique de -23 % par rapport à la normale 1971-2000. Les secteurs Ouest,Sud et Sud-Est sont marqués par 3 mois de déficits consécutifs ( -50% à -25% en fonction des mois considérés). Le manque d’eau est surtout sensible sur le Sud-Ouest (-70% à SAINT-LEU),le cirque de Cilaos (-70%) ainsi que sur le Sud sauvage (-60% en moyenne à Saint Joseph)".
Toujours selon l’Office de l’Eau : les précipitations du mois de novembre 2010 restent déficitaires de -50% en moyenne par rapport à la normale saisonnière. Les déficits s’observent surtout dans le Sud où de nombreux postes ont recueilli moins de 5 mm d’eau durant ce mois (-98% à Pont-Mathurin et aux Avirons, -96% à Ligne Paradis, -92% à Saint-Joseph).
Cette situation a d’importantes répercussions sur l’agriculture réunionnaise. Voici dans le détail les conséquences désastreuses révélées par la Chambre d’Agriculture :
Canne à sucre :
"Lors de la campagne sucrière 2010 , les planteurs de canne ont fait l’épandage de leur engrais azoté dès la récolte de la parcelle en septembre, octobre, novembre et décembre. Faute de pluie, l’engrais s’est évaporé, en particulier l’azote et n’a pu profiter à la canne à sucre, faisant craindre une mauvaise campagne 2011.
Faute de trésorerie suffisante après une récolte 2010 en diminution par rapport à 2009, les planteurs sont dans l’impasse et n’ont plus les moyens d’apporter un engrais azoté. Près de 7500 Ha de cannes sont concernés par cette sècheresse (Saint-Paul – Saint-Philippe) tant sur les zones irriguées que non irriguées.
Sur les zones non irriguées , les dégâts sont d’ores et déjà visibles sur des jeunes cannes qui se dessèchent et des bourgeons spiralées, preuve d’un manque d’eau.
Sur les zones irriguées, les planteurs ont dû irriguer davantage lorsqu’ils n’ont pas été concernés par des coupures d’eau d’irrigation en particulier à Saint Pierre et Saint Paul. Par ailleurs, les replantations de canne sont aujourd’hui perdus avec des boutures totalement sèches dans le Sud.
Arboriculture fruitière :
Agrumes : 150 à 200 hectares affectés essentiellement sur Petite-Ile et Saint Pierre (au dessus de 200 m). Les arbres qui sont actuellement en fructification perdent leur jeune fruit et les pertes sont estimées à 25 à 30 %.
Ananas :le même secteur est concerné soit environ 50 ha en particulier sur la zone de Bérive, Grand Tampon et Mont-Vert. Faute d’eau, les pieds d’ananas ne peuvent tenir les fruits qui ’’ se cassent’’ alors qu’ils ne sont pas à maturité.
Bananes : entre 50 et 60 ha secteur de Saint-Joseph notamment les parcelles de la Rivière Langevin, les régimes se cassent avant maturité. Sur la région de Saint Joseph et Saint Philippe des parcelles de Palmistes sont affectés et les choux de palmiers risquent de perdre leur qualité gustative.
Maraîchage : Zone concernée : Sud, Ouest et Salazie. Les parcelles de maraîchage en plein champ sont perdus faute de pluies et les agriculteurs n’ont plus fait de plantations, ce qui pourrait laisser augurer une diminution de la production dans les prochains mois. Concernant le maraîchage hors sol , les producteurs s’alarment des conséquences des coupures d’eau par les fermiers avec des conséquences immédiates sur le cycle en cours et à venir.
Elevage : Zone concernée : Plaine des Cafres, hauts du Sud et de l’Ouest . Les éleveurs après avoir subit une augmentation substantielle du prix de l’aliment concentré en 2008, une surproduction en 2009 et une mévente liée à la crise et une baisse de la consommation, ils doivent faire face à une forte diminution de leur production fourragère ( - 35% depuis le mois de septembre). Des parcelles où l’on pouvaient produire 90 balles rondes fournissent actuellement 37 balles rondes .
L’inquiétude est grande quand on sait qu’à partir du mois de novembre les éleveurs doivent constituer leurs stocks fourragers pour la période hivernale.
Les éleveurs ne peuvent substituer le fourrage par des aliments concentrés sous peine de voir le développement de maladies intestinales (acidose,métrites,...). Par ailleurs,les éleveurs qui font l’acquisition de bagasse pour la période de sècheresse puisent actuellement dans leur stock ce qui augure un hiver difficile dans les étables.
Mesures d’urgence :
- Suppression des tranches pour l’eau à usage agricole : compte tenu du caractère exceptionnel de la sècheresse et de l’obligation de recourir à l’irrigation , la Chambre d’Agriculture demande qu’ exceptionnellement pour le dernier trimestre 2010 , les fermiers (VEOLIA, CISE,SAPHIR...) maintiennent un prix de base de l’eau sans tranche supplémentaire.
- Aide exceptionnelle pour l’acquisition d’engrais azotés.
- La Chambre d’Agriculture propose une aide exceptionnelle du Département pour le financement de 300 Kg d’azote /ha pour les planteurs de canne, les éleveurs et les producteurs de fruits et légumes en plein champ des régions concernées.
- Versement des 25% de la recette bagasse et de l’aide à la production pour les planteurs de canne.
- Un versement anticipé de l’aide à la production et de la recette bagasse permettra aux planteurs d’apporter un nouvel amendement azoté dans leur parcelle. "L’heure doit être à la mobilisation générale pour ne pas compromettre le nouvel élan de la filière" affirme la Chambre d’Agriculture.
- Versement d’une aide à l’acquisition de fourrages.
La Chambre d’agriculture propose également une aide exceptionnelle du Département à l’acquisition de fourrages secs importés, pour les élevages concernés. "La base de la demande pourrait être de 1,5 tonne de fourrage sec par vache( et renouvellement) , et 150 kg pour une chèvre ou une brebis".
- Acquisition de réservoirs pour les serristes et éleveurs.
- Afin de prévenir toute interruption d’eau par les fermiers, la chambre d’agriculture demande le financement de réservoirs pour les serristes et éleveurs .Ces réservoirs pourraient constituer un stock lors des coupures d’eau et permettre une poursuite minimal de l’activité agricole.
Soutien aux agriculteurs :
La Chambre d’Agriculture demande à ce qu’une étude soit réalisée afin de réaliser le dossier de déclaration de catastrophe naturelle sur le Département de la Réunion et ce, compte tenu des éléments actuels et des prévisions de Météo France sur les trois prochains mois qui privilégie le scénario d’un temps sec. Selon la Chambre d’Agriculture, "une bonne partie de l’Ile doit être classé en zone de catastrophe naturelle".
Enfin, la Chambre d’Agriculture demande la mise en place d’un revenu complémentaire pour les petites et moyennes exploitations. "La filière canne, les éleveurs de ruminants, les producteurs de fruits et légumes sont affectés par cette sècheresse qui s’annonce catastrophique pour le revenu des agriculteurs avec une diminution de leur chiffre d’affaire lié à une diminution de leur production et / ou une dégradation de la qualité de leur produit".
Au regard de ces éléments, la Chambre d’agriculture demande l’instauration d’un revenu complémentaire pour les petites exploitations agricoles afin que "les agriculteurs puissent continuer à faire vivre leur famille et sauver leur exploitation. Ce revenu complémentaire doit intervenir au plus vite pour éviter la disparition des exploitations les plus fragiles".