Le préfet de La Réunion a souhaité répondre au président du Syndicat des professionnels des activités de loisirs via un courrier. Il affirme être conscient des conséquences économiques liées à la crise requins.
Confronté aux difficultés rencontrées par la filière, le Syndicat des professionnels des activités (Sypral) a décidé d’engager une bataille juridique pour indemniser les professionnels du surf. Un recours préalable suivi d’une saisine du tribunal administratif a donc été adressé au Préfet de La Réunion (cf Linfo.re Risque requin : la bataille judiciaire se poursuit").
Suite aux courriers du Sypral et face à cette situation, le préfet de La Réunion Jean-Luc Marx a décidé de s’adresser directement au président du Sypral via un courrier.
Dans ce courrier, le préfet de La Réunion insiste sur le fait qu’il est parfaitement conscient "des conséquences directes" de la crise requin "sur l’activité économique des professionnels de la mer". Mais il insiste sur le fait que "chaque décision prise dans le cadre de la réduction du risque requin, notamment s’agissant des mesures réglementaires d’interdiction ou de restriction de certaines activités nautiques, l’a été après avoir longuement étudié l’ensemble de ses conséquences potentielles, notamment économiques".
Le préfet tient également à rappeler que l’enjeu, en terme de vies humaines, ne lui laissait "aucun autre choix pour assurer la sécurité des Réunionnais".
Voici en intégralité la lettre du préfet Jean-Luc Marx adressée au Président du syndicat des professionnels des activités de loisirs (SYPRAL)
Objet : Impact de la crise « requin » sur les professionnels du surf
"Par courriers cités en référence, vous appelez mon attention sur les difficultés rencontrées par les entreprises de surf de La Réunion, fortement impactées par les dispositions réglementaires citées en référence , lesquelles réduisent de manière significative leur activité. En outre, vous précisez que les professionnels du surf se trouvent aujourd’hui « dans l’impossibilité d ’exercer leur métier sans se mettre hors la loi ».
Vous évoquez un grave préjudice causé à leur encontre, qui selon vous pourrait être qualifié de "rupture manifeste de l ’égalité devant les charges publiques".
Enfin, vous demandez qu’une indemnisation des pertes subies par les entreprises de surf soit mise en place pour ainsi leur permettre d’« attendre la mise en oeuvre opérationnelle d ’une politique active de prévention du risque requin ».
Vos courriers appellent de ma part les remarques suivantes :
S’agissant de l’impact économique de la crise « requin », Je SUlS bien évidemment conscient des conséquences directes de cette dernière sur l’activité économique des professionnels de la mer, en particulier celle des entreprises de surf. Je comprends les difficultés auxquelles ces entreprises sont confrontées. Pour autant, je vous prie de croire que chaque décision prise dans le cadre de la réduction du risque requin, notamment s’agissant des mesures réglementaires d’interdiction ou de restriction de certaines activités nautiques, l’a été après avoir longuement étudié l’ensemble de ses conséquences potentielles, notamment économiques.
Les mesures auxquelles vous faites référence ont été adoptées car l’enjeu, en terme de vies humaines, ne me laissait aucun autre choix pour assurer la sécurité des
Réunionnais.
A cet égard, je ne peux que vous rappeler les termes de l’ordonnance du Conseil d’Etat du 13 août 2013, dans laquelle le risque d’attaque de requin qui prévaut à La Réunion a été qualifié de « situation exceptionnelle, qui impose aux autorités publiques de déterminer d’urgence les mesures de leur compétence de nature à réduire ce danger ».
Ces mesures d’urgence, je les ai prises. Je les assume et les prolongerai aussi longtemps qu’elles seront nécessaires, d’autant que le Conseil d’Etat a, dans cette même décision, validé l’orientation prise par l’arrêté préfectoral du 26 juillet 2013, en considérant que « à court terme, seules les mesures d’interdiction de baignade et d’activités nautiques, dans des zones où un dispositif efficace de surveillance et d’alerte n’a pas été mis en place, sont susceptibles de supprimer le risque d’attaque, à la condition que ces interdictions soient respectées ».
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, aucun professionnel du surf n’est dans l’obligation de se mettre « hors la loi » pour exercer son métier au regard de la réglementation en vigueur. Il s’agit là, et vous le savez bien, d’un raccourci trompeur.
En effet, aux termes de l’arrêté préfectoral du 17 septembre dernier, la pratique de la baignade et des activités nautiques utilisant la force motrice des vagues (surf, bodyboard, bodysurf, longboard, paddleboard) est notamment possible dans les espaces aménagés et les zones surveillées définis par arrêté municipal. Ces zones existent, et mes services procèdent actuellement à l’élaboration d’une cartographie, à l’échelle départementale et sur la base des informations transmises par les communes, recensant l’ensemble de ces zones surveillées dans lesquelles la pratique de la baignade et des activités nautiques est possible.
En outre, une politique opérationnelle de prévention du risque requin est bien évidemment d’ores et déjà en oeuvre à La Réunion. Ainsi, plusieurs projets expérimentaux sont en cours pour permettre, à terme, une sécurisation suffisante de certains spots de surf et donc une reprise de cette activité. Il s’agit notamment de l’évaluation du dispositif « vigies requins immergées », dispositif innovant pour La Réunion qui, je tiens à le préciser, est le seul endroit au monde où cette technique de sécurisation a été expérimentée. Ce dispositif a été évalué par des experts missionnés par les différents ministères. Il doit faire l’objet d’études complémentaires pour en tester toute l’efficacité opérationnelle, c’est pourquoi une étude pilote, sous encadrement scientifique, sera prochainement lancée. D’une durée de 3 mois, elle débutera après concertation avec les acteurs concernés dont la ligue de surf.
Enfin, s’agissant de l’indemnisation des pertes subies par les professionnels du surf, je vous rappelle que dés le mois d’octobre 2011, dans le but d’accompagner les entreprises face aux conséquences du risque requins, l’Etat s’est pleinement mobilisé pour protéger l’activité et l’emploi en créant un dispositif de guichet unique à la maison de l’entreprise de l’Ouest (MEO) de la chambre de commerce et d’industrie de la Réunion (CCIR).
Un comité de pilotage, réunissant les services de l’Etat, Pôle emploi, le RSI, la CGSS et la chambre de commerce et d’industrie, a permis de prendre des mesures concrètes visant à accélérer le dispositif du chômage partiel pour éviter le licenc iement, ass urer une meilleure prise en charge grâce au contrat de s écurisation professionnelle et, enfin, permettre l’activation des dispositifs moratoires fiscaux et sociaux.
Au cours de la première année, ce guichet unique a traité les multiples demandes de 65 entreprises (une entreprise peut en effe t porter plusieurs demandes). 64 mesures ont été accordées au bénéfice de ces entreprises en difficultés (notanunent 15 mesures d’étalement au niveau fiscal). Par ailleurs, 41 chefs d’entreprises ont bénéficié du fond d’action sociale du RSl, à savoir une aide financière allant de 1000E à 2000E et/ou une prise en charge partielle des cotisations RSr.
Sachant qu’il restait une dizaine de dossiers problématiques à régler, les services de l’Etat vous ont convié, dans le prolongement du C4R du 14 février dernier, à deux réunions destinées à intensifier le soutien financier auprès de ces entreprises. Ces réunions, auxquelles vous étiez représenté, se sont tenues les 27 février et 17 mai 2013 et ont permis un traitement actualisé, au cas par cas , de ces dossiers.
Depuis le 17 mai 2013, 12 nouvelles entreprises ont sollicité la MEO.
Au total, depuis sa création, 86 entreprises ont sollicité la MEO. Il y a actuellement 18
demandes en cours, dont le traitement se poursuit dans le respect du principe de l’égalité devant les charges publiques, que vous rappe lez et auquel je suis bien évidemment particulièrement attaché.
Mes services restent à votre disposition pour vous apporter tout complément
d’information que vous souhaiteriez obtenir sur ce sujet"
Le Préfet