La Présidente du Conseil Général, Nassimah Dindar répond au préfet à la suite du rejet de son plan d’élimination des déchets : « l’avis de la préfecture n’est que consultatif, nous prendrons nos responsabilités ».
Nassimah Dindar repousse du revers de la main les attaques de la Préfecture. "L’avis du Préfet, qui reste consultatif, s’inscrit dans la procédure de révision du plan", annonce la Présidente du Conseil Général.
Elle défend le principe de stabilisation et d’enfouissement des déchets plutôt que celui de l’incinération. Le Préfet rétorque que ces propositions ne sont pas en conformité avec les grandes lignes du Grenelle de l’Environnement et des directives européennes.
Faux, répond Nassimah Dindar : "Il n’est pas juste de dire que le projet de PDEDMA ne respecte pas le Grenelle de l’Environnement. Au contraire, il s’inscrit complètement dans l’essence même du texte en se fixant des objectifs de prévention et de valorisation très ambitieux. Produire moins de déchets et renforcer la valorisation pour atteindre les objectifs du Grenelle a semblé plus réaliste que de retenir une solution de traitement par incinération".
Et la Présidente du Conseil Général d’affirmer que l’Etat ne peut rien imposer car ce sont aux établissements publics de coopération intercommunale "de se prononcer clairement sur la possibilité d’implantation d’installations sur leur territoire et sur les types d’équipements qu’ils souhaitent mettre en œuvre", avant de conclure, "je ne doute pas que les élus responsables prendront leurs responsabilités. En tout cas, nous prendrons les nôtres".
L’interview de Nassimah Dindar, Présidente du Conseil Général
L’Etat vient de jeter à la poubelle le plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés. Votre dossier était il mal ficelé ?
C’est un jeu de mots très réussi par l’un de vos confrères. Mais l’Etat ne peut pas jeter à la poubelle le PDEDMA (ndlr : le plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés). L’avis du Préfet, qui reste consultatif, s’inscrit dans la procédure de révision du plan. La Région doit également donner son avis. Une enquête publique suivra et c’est l’assemblée départementale qui décidera de son application.
Il est à noter que le Conseil Général a associé lors de cette procédure de révision du plan, l’ensemble des acteurs, et en particulier les EPCI (ndlr : les établissements publics de coopération intercommunale) qui sont les maîtres d’ouvrage des équipements à réaliser. Ces acteurs ont participé aux 4 réunions du comité technique et aux 3 réunions du comité de pilotage. Au terme de cette étude et de cette concertation, le comité de pilotage a retenu les 3 axes prioritaires du plan suivants :
- la prévention, soit ne réduction de 7% de la production des déchets managers (le meilleur déchet est celui qui n’existe pas),
- la valorisation avec comme objectif de recycler 50% des déchets produits à l’horizon 2020,
- le traitement des déchets résiduels, avec le choix de la stabilisation pour réduire la quantité des déchets à enfouir.
Comment qualifiez-vous cette décision du Préfet, un camouflet pour votre politique ou une aide pour l’avenir ?
Comme je viens de vous le dire, l’avis de la préfecture est consultatif. Il ne remet pas en cause, aujourd’hui, la poursuite de la procédure de révision en cours.
Ne vous attendiez-vous pas un peu alors que votre plan n’était pas en conformité avec les orientations du Grenelle de l’environnement ?
Il n’est pas juste de dire que le projet de PDEDMA ne respecte pas le Grenelle de l’Environnement. Au contraire, il s’inscrit complètement dans l’essence même du texte en se fixant des objectifs de prévention et de valorisation très ambitieux (conformément à l’article 46 du Grenelle).
Produire moins de déchets et renforcer la valorisation pour atteindre les objectifs du Grenelle a semblé plus réaliste que de retenir une solution de traitement par incinération.
Pourquoi le Conseil Général préférait l’enfouissement après stabilisation plutôt que l’incinération ?
La vraie question est "pourquoi l’incinération n’a pas vu le jour depuis 15 ans à la Réunion". Je tiens à rappeler que le PDEDMA de 1994 puis celui de 2002, en vigueur à ce jour, préconise la construction de 2 usines d’incinération. Or aucune installation de ce type n’a vu le jour. Ce point est très important, car la Réunion se trouve dans une situation d’urgence. Et il faut absolument mettre en œuvre des installations de traitement qui
puissent prendre le relais des 2 centres d’enfouissement en 2014.
La solution d’enfouissement après stabilisation est apparue comme le plus à même de répondre à cette urgence. Par ailleurs, on ne peut se contenter de réduire le plan à une seule solution "incinération" simplement pour répondre à l’alinéa "d" de la Directive 2008-98-CE. Le PDEDMA doit apporter des solutions qui soient conformes aux textes et cohérentes localement. En extrapolant, on pourrait dire qu’il n’est plus nécessaire de mener de concertations et de réviser les plans départementaux s’il suffit d’appliquer à la lettre les objectifs (qui sont des objectifs nationaux) du Grenelle. Pourquoi la solution incinération ne s’impose-telle pas partout en France ?
On vous reproche en clair de ne pas valoriser par l’énergie l’élimination des déchets. Avez-vous un plan B aujourd’hui ?
Pour parler de valorisation énergétique à partir des déchets, la directive européenne de novembre 2008 fixe un rendement énergétique minimum de 65%, seuil en deçà duquel l’incinération est assimilée à de l’élimination. Or, seules quelques installations en France atteignent ce rendement énergétique, à condition de faire de la production de chaleur combinée à la production d’électricité. En effet la seule production d’électricité ne permet pas d’atteindre ce seuil de 65%.
Maintenant, si les EPCI, qui sont les maîtres d’ouvrage des installations à réaliser, souhaitent un incinérateur sur leur territoire, je suis prête à l’entendre. Même si l’incinération n’est pas synonyme de valorisation énergétique.
Aujourd’hui, l’Etat reprend la main sur la gestion des déchets alors que cela est de la compétence du Conseil Général depuis 1996. Cela est-il voulu par votre majorité ?
L’avis de l’Etat est consultatif. Il ne lie pas le Conseil Général qui reste pleinement compétent pour l’élaboration du plan conformément à la loi. La gestion des déchets est et reste de la compétence des collectivités : plan d’élimination pour le Conseil Général et mise en œuvre pour les EPCI.
Etes-vous toujours une fervente partisane de l’enfouissement après stabilisation ?
Il n’y a pas de solution idéale en la matière. C’est un sujet qui demande un haut niveau de technicité. Une large concertation entre tous les acteurs concernés est primordiale. A l’issue de cette concertation, l’enfouissement après stabilisation est apparu la solution la plus pragmatique, au vu de l’urgence de mettre en œuvre des installations de traitement qui puissent prendre le relais des 2 centres d’enfouissement au plus tard en 2014.
Il est important que l’information soit relayée le plus largement possible auprès de la population.
Qu’allez-vous faire maintenant ?
Il est clair que, ni le Conseil Général, ni l’Etat ne peuvent imposer aux EPCI de choix d’équipements, qu’ils ne pourront pas mettre en œuvre, pour des raisons techniques, économiques, mais aussi sans l’accord de la population de leurs territoires. J’ai demandé, à nouveau, aux EPCI de se prononcer clairement sur la possibilité d’implantation d’installations sur leur territoire et sur les types d’équipements qu’ils souhaitent mettre en œuvre. Je ne doute pas que les élus responsables prendront leurs responsabilités. En tout cas, nous prendrons les nôtres.