Tous les lycées de la Réunion vont lire aujourd’hui la lettre de Guy Môquet. Voici le texte de la dernière lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941.
"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas !
J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine.
Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime"
Qui était Guy Môquet ?
Guy Môquet, né le 26 avril 1924 à Paris , mort le 22 octobre 1941 à Châteaubriant est un militant communiste , célèbre pour avoir été le plus jeune des quarante-huit otages fusillés le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, Nantes et Paris en représailles après la mort de Karl Hotz.
Son nom, plus particulièrement associé à celui des vingt-sept fusillés du camp de Châteaubriant, est passé dans l’histoire comme un des symboles de la Résistance française.
Guy Môquet était le fils de Prosper Môquet, cheminot, syndicaliste, député communiste du 17e arrondissement de Paris . Le Parti communiste ayant été dissous par Édouard Daladier en septembre 1939 en raison de son soutien au Pacte germano-soviétique, Prosper Môquet est arrêté le 10 octobre 1939, déchu de son mandat de député en février 1940 et déporté dans un camp de concentration français en Algérie. Le frère de Prosper, Henri, concierge au siège du parti communiste, est intégré au dispositif clandestin du parti à la fin de l’été 1940. La sœur de Prosper Môquet, Rosalie, est une militante proche de la direction du parti. À partir de 1941, elle est la compagne de Robert Dubois qui succédera à Arthur Dallidet à la tête de la commission des cadres à partir du printemps 1942. Elle assure la liaison entre Robert Dubois et la direction du parti.
Activité militante de Guy Môquet
En ce qui concerne Guy Môquet, l’arrestation de son père en octobre 1939 est un événement marquant qui renforce son ardeur militante. D’abord réfugié avec sa mère et son frère Serge dans la Manche, il revient ensuite seul à Paris et milite clandestinement au sein des Jeunesses communistes. En novembre, il écrit une lettre à Édouard Herriot, président de la Chambre des députés demandant la libération de son père .
À partir de l’occupation de Paris par les Allemands et de l’instauration du gouvernement de Vichy, Guy Môquet déploie une grande ardeur militante pour coller des « papillons » et distribuer des tracts qui reflètent la ligne politique du PCF durant l’été 1940. Dans ces tracts, c’est avant tout la misère qui est épinglée : « Des magnats d’industrie (Schneider, De Wendel, Michelin, Mercier [...]), tous, qu’ils soient Juifs, catholiques, protestants ou francs-maçons, par esprit de lucre, par haine de la classe ouvrière, ont trahi notre pays et l’ont contraint à subir l’occupation étrangère [...] De l’ouvrier de la zone, avenue de Saint-Ouen, à l’employé du quartier de l’Étoile, en passant par le fonctionnaire des Batignolles [...] les jeunes, les vieux, les veuves sont tous d’accord pour lutter contre la misère... ». Ils réclament également la libération des prisonniers communistes incarcérés depuis l’automne 1939.
Son camarade Georges Abbachi décrit les deux modes opératoires les plus utilisés : le collage de papillons sur les réverbères ou les becs de gaz et le lancer de tracts depuis les balcons des salles de cinéma.
Arrestation et incarcération
Guy Môquet est arrêté le 13 octobre 1940 (il a 16 ans) au métro Gare de l’Est par trois policiers français, conséquence d’un décret-loi d’Édouard Daladier du 26 septembre 1939 interdisant le Parti communiste. Il est incarcéré à la prison de Fresnes. Le Tribunal pour enfants et adolescents de la Seine ordonne le 23 janvier 1941, qu’il soit « remis à sa mère, en liberté surveillée » et donc acquitté, une mention indique que : « rien ne s’oppose [...] à l’exécution immédiate de cette décision ».
Mais il fait immédiatement l’objet d’un arrêté préfectoral d’internement administratif en application de décrets pris à l’encontre des communistes. Le 10 février1941, il est transféré à la prison de la Santé. Il passe ensuite à la prison de Clairvaux.
Enfin, le 16 mai 1941 il est transféré au camp de Choisel, à Châteaubriant, où étaient détenus d’autres militants communistes généralement arrêtés entre septembre 1939 et octobre 1940. Il est placé dans la baraque 10, celle des jeunes, où il se lie d’amitié avec Roger Sémat et Rino Scolari. Ce dernier, un peu plus âgé que lui, deviendra un des responsables FFI au moment de la Libération de Paris.