« Je crois qu’il ne faut pas fuir le débat. Il est trop important pour nous et pour la France de demain. On peut être en désaccord avec le pouvoir central mais il faut être pragmatique et surtout responsable face aux difficultés à venir.
Pour que cela fonctionne, pour ne pas non plus signer un « chèque en blanc » au gouvernement sur cette initiative, il devra prendre en compte les amendements suivants :
- Cette réforme des retraites est vitale et ne saurait être différée. Il faudra la rendre humainement acceptable par tous, car si elle était insuffisante, alors le pays se trouverait en danger.
- Avant tout, la réforme des retraites doit s’accompagner d’une conquête de la production et donc d’une reconquête du travail tant en nombre d’emplois qu’en qualité du travail. L’absence d’une réflexion et d’une politique compréhensibles par les Français sur une stratégie industrielle, agricole, agro-alimentaire, des services, ou touristique, de notre pays se fait cruellement sentir. Si l’activité productrice de la nation est trop faible pour créer de l’emploi, pour les jeunes autant que pour les seniors, alors toutes les réformes échoueront.
- Cependant, pour sauver les retraites par répartition, la réforme ne peut éviter de répondre au défi démographique. La population vieillit et par conséquent, il y a un déséquilibre entre le nombre de personnes qui travaillent et celles qui sont pensionnées. C’est cela qui crée une urgence sur le dossier. En plus avec la crise, le nombre des actifs ne cesse de baisser.
- C’est pourquoi, il nous semble raisonnable de faire glisser progressivement l’âge légal à partir duquel on peut faire valoir ses droits à la retraite de 60 à 62 ans. Si on choisissait de ne jouer que sur l’augmentation de la durée de cotisation, on créerait une situation dans laquelle tous les Français qui ont fait des études, tous ceux qui ont eu des carrières incomplètes seraient condamnés à ne pouvoir partir à la retraite que dans la zone des 70 ans ! Pour tous ceux qui seraient contraints de partir à la retraite avant cet âge, ce serait des retraites réduites, des pensions insuffisantes.
- Mais encore une fois, il ne s’agit pas de signer un « chèque en blanc » sur cette réforme. Il est indispensable de réunir trois conditions de justice :
- pour que la réforme soit acceptable par les Français, l’ouverture d’une retraite plus précoce pour les salariés entrés dans la vie professionnelle très tôt doit s’opérer. Sous réserve d’expertise, la proposition de maintenir l’âge de 60 ans pour les carrières longues (entrée dans la vie professionnelle avant 18 ans) nous paraît raisonnable.
- de plus, la proposition liant la reconnaissance de la pénibilité à une invalidité constatée de 20% donnant lieu de surcroît au versement d’une rente pour maladie professionnelle ou accident du travail n’est pas recevable. La pénibilité doit être prise en compte, à l’image des accidents du travail, par une caisse autonome, alimentée par les entreprises au prorata des risques qu’elles font encourir à leurs salariés ce qui entraînera une évolution vers des parcours professionnels diversifiés et les incitera à augmenter la prévention.
- La volonté de déplacer de 65 à 67 ans l’âge du départ à la retraite sans pénalisation pour les carrières incomplètes est inacceptable ! 62 ans oui, 67 ans non ! Ce sont les salariés les plus fragiles, les femmes qui ont commencé ou recommencé à travailler après avoir élevé des enfants, les petits salaires qui ont « galéré » qui se trouvent ici en cause.
- D’autre part, il faut aussi souligner qu’il manque dans la proposition du gouvernement une orientation de justice très attendue : l’égalité devant la retraite. L’unification des régimes de retraite doit lever les injustices si profondément ressenties par nos compatriotes : régimes spéciaux ; fonctionnaires par rapport aux salariés du privé ; travailleurs indépendants ; parlementaires ; retraites « chapeau ». Ces avantages plus ou moins secrets ou discrets font régner un sentiment de profonde injustice. Seule une unification, prenant en compte les droits acquis dans le passé mais donnant à tous les mêmes règles pour l’avenir permettra de corriger les injustices et mettre fin aux privilèges. C’est la raison pour laquelle, au MODEM, nous croyons que la transparence généralisée, l’individualisation des droits, la connaissance de ces droits à tout moment de la carrière, le libre choix de la retraite à partir d’un âge légal, la simplification des régimes entraînant des gains de gestion, « retraite par points », ou par compte individualisé, doivent être l’horizon proche de nos systèmes de retraite.
Enfin, l’équilibre financier à court terme des régimes de retraite n’est pour nous ni acquis ni même approché par les timides décisions annoncées. Et pourtant, cet équilibre financier est une très lourde préoccupation. S’il n’est pas garanti alors cette réforme en appellera une autre puis une autre… Donc « l’augmentation » de 1 % (de 40 à 41 % !) de la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu me paraît purement cosmétique. On ne résoudra pas le problème par des expédients comme ceux qui sont envisagés, épuisant en quelques années le Fonds de réserve des retraites qui devait être réservé aux générations d’après-guerre. Les efforts qui doivent être demandés, doivent l’être de manière durable et juste, proportionnée aux moyens réels de chacun et mettre à contribution des revenus, en particulier financiers, aujourd’hui en grande partie exonérés.
A la Réunion, plus encore, cette question de la réforme des retraites est majeure car beaucoup ici de nos grands-parents, de nos parents non peu ou pas cotisés jusqu’alors et l’on voit au quotidien les problèmes que cela génère. D’autre part, malgré une démographie favorable dans l’île, notre nombre d’actifs est largement inférieur au taux métropolitain ce qui va immanquablement pénaliser nos retraités ».