Marie-Luce Penchard répondait hier soir aux questions de Jean-Marc Collienne sur le thème des niches fiscales. La Ministre de l’Outre-Mer a voulu rassurer les Réunionnais et plus particulièrement les gérants de très petites entreprises concernant les retombées économiques du coup de rabot. Pour la représentante des régions ultra-marines, l’effort commun demandé n’est "pas si catastrophique". Voici retranscrit, l’intégralité de cet entretien.
Jean-Marc Collienne : Le gouvernement a voté le coup de rabot sur les niches fiscales. Le budget du Ministère de l’Outre-Mer a lui aussi été revu à la baisse. Pensez-vous qu’il ne s’agit là que d’une participation normale à l’effort national de réduction des déficits ?
Marie-Luce Penchard : Le budget de la mission Outre-Mer conserve sa capacité d’intervention. Il est évident que l’Outre-Mer ne pouvait se souscrire à cet effort commun demandé à la nation vu la situation de la France. Il faut absolument diminuer la dépense publique pour pouvoir la maîtriser. Le budget a diminué de 2,2% en crédit de paiement. Ce n’est pas un effort si catastrophique. Ces crédits destinés à financer des actions sur le territoire ne diminuent que de 0,6%.
JMC:Reconnaissez-vous qu’à cause des mesures décidées par le gouvernement, de nombreux chefs d’entreprise, voire de très petites entreprises (TPE) auront demain plus de difficulté à investir, acheter, développer l’activité, créer de l’emploi ?
MLP : Je voudrais rassurer les TPE car le coût de rabot porté sur les niches fiscales est fait de manière à préserver les investisseurs locaux. Avec le taux de rétrocession, on va faire en sorte que l’effort soit porté sur le contribuable et non sur l’investisseur. En ce qui concerne les avantages fiscaux, la part de l’investisseur restera de 30 000 euros. Pour le contribuable, l’avantage sera de 15 000 euros au lieu de 20 000 euros initialement.
JMC : Vous avez reçu les membres de la Fédération des Entreprises d’Outre-Mer présidée par Guy Dupont ainsi que les représentants du monde économique réunionnais. Yann de Prince a parlé de "catastrophe pour l’économie réunionnaise". Pensez-vous que c’est exagéré ?
MLP : Il faut tenir un discours de vérité, dire les choses de façon mesurée. Les postures politiques anxyogènes ne sont pas bonnes pour l’économie. Celle-ci a besoin de la confiance, véritable moteur de l’économie. Il faut pouvoir faire part de ses inquiétudes. Je les partage mais il faut dire les choses telles qu’elles sont. La croissance n’est pas là, le chômage augmente mais ce n’est pas le coup de rabot de 10% qui fera que toute l’économie ultra-marine sera mise à mal. Il était du devoir du gouvernement de régler la dette publique et cela passait forcément par une baisse de la dépense fiscale.
JMC : La Réunion et l’Outre-Mer, en raison de leurs difficultés économiques et sociales ne méritaient pas d’être épargnés. C’est ce qu’avait suggéré à un moment François Baroin, actuel Ministre du Budget et ancien Ministre de l’Outre-Mer. Comment jugez-vous ces propos ?
MLP : Je partage cette analyse. Je l’ai moi même dit lors de la journée développement qui s’est tenue à la Villette. Effectivement, dans le cadre de la LODEOM, l’Outre-Mer avait largement contribué mais pour autant, au regard de l’effort important qui est demandé à la nation, il était évident qu’à un moment donné, l’Outre-Mer devait participer à cet effort. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité privilégier d’abord le logement social, en faisant en sorte que le rabot ne touche pas ce secteur dont les besoins sont énormes. Par ailleurs, le logement social permet de relancer la commande publique, le bâtiment et est donc pourvoyeur de beaucoup d’emplois.
JMC : Il y avait une vraie dynamique visant à faire de la Réunion une île verte, énergétiquement autonome. La baisse importante des déductions fiscales et la suppression de la défiscalisation dans le domaine du photovoltaïque vont certainement freiner cette dynamique ?
MLP : Il n’y a aucune volonté de porter atteinte à cette filière, bien au contraire. Tous les objectifs du Grenelle de l’environnement, nous devons faire en sorte qu’ils soient atteints. Je pense plus particulièrement au projet GERI 2030. Mais il faut aussi que les responsables politiques fassent un constat et reconnaissent que s’agissant du photovoltaïque, les opérations étaient particulièrement rentables.
Pour preuve, lorsqu’on analyse la situation aujourd’hui, notamment dans le Pacifique, on se rend compte que puisqu’il n’y a pas de rachat par EDF, ces opérations malgré la défiscalisation ne sont pas programmées. Se pose aussi la question du conflit d’usage, notamment par rapport aux terres agricoles. Il y a une collectivité d’Outre-Mer qui a d’ailleurs demandé à l’Etat de pouvoir mieux encadrer le développement du photovoltaïque.
JMC : Serez-vous bientôt dans notre département ?
MLP : Prochainement j’espère. Je dois porter un certain nombre de textes concernant notamment la Polynésie. Je devrai d’ailleurs m’y rendre très bientôt.Je dois aussi préparer la mise en place de la collectivité unique en Martinique et en Guyane. Après tous ces grands dossiers, j’espère revenir très prochainement à la Réunion car j’y suis toujours très bien accueillie.