Vice-président du conseil général et conseiller régional du Tampon, Jean-Jacques Vlody défend avec ardeur les couleurs du Parti Socialiste à la Réunion. Réélu avec une large majorité lors des élections cantonales orchestrées en mars 2011, ce jeune élu affiche de nouvelles ambitions puisqu’il affirme qu’il s’engagera en 2014 pour accéder à la tête de la mairie du Tampon.
Tout d’abord, votre réaction sur le fait d’actualité la semaine, en l’occurrence la fin du procès de l’enlèvement du jeune Alexandre. Juliano Verbard a été condamné à 9 ans de prison. Quinze des seize accusés dans ce procès ont été condamnés. Au-delà de l’aspect purement judiciaire, cela vous semble inquiétant ce succès des pratiques religieuses parallèles et des dérives sectaires à la Réunion ?
Jean-Jacques Vlody : Je crois que l’on touche là à un sujet qui est très sensible à la Réunion mais aussi connu car vous n’êtes pas sans savoir que je suis professeur d’Histoire. A la Réunion, il y a des professeurs d’Université qui ont plusieurs sujets d’études sur les pratiques religieuses sur l’île. Il faut faire attention aux dérives sectaires car dans certaines situations de souffrance, certains profitent de la faiblesse de quelques individus. Il faut être très prudent là-dessus et respecter le cadre religieux.
Est-ce que cela est révélateur d’une perte de repères, la perte de confiance dans la politique, la très forte abstention aux élections... On pourrait dire que les gens ne croient pas que les politiques puissent changer leur vie et ce serait pour cela qu’ils se tournent vers le ciel ?
Jean-Jacques Vlody : Je ne pense pas que ce soit seulement de la faute des politiques. Cela vient également de l’Histoire de la Réunion, du peuplement, du croisement des civilisations et des religions (...) : tout cela a fait un mélange qui aujourd’hui peut connaître quelques excès ou quelques dérives. L’important, c’est que les hommes politiques soient interpellés sur le fait que les électeurs se détournent de plus en plus de l’action politique.
Lorsque nous voyons le taux d’abstention - par exemple lors des dernières élections cantonales -, il y a inévitable une question à se poser. Quelle est la perception de la politique ? Quelle est la perception de la présence du conseil général au quotidien pour les électeurs ? Mais surtout, qu’avons-nous fait pour donner aux électeurs l’envie de s’intéresser à la chose politique ? C’est une question qui va dans les deux sens.
L’actualité, c’est aussi la mort tragique du 4ème jeune soldat réunionnais en Afghanistan. Au-delà du drame, pour de nombreux jeunes réunionnais en cette période de crise, l’armée apparaît souvent comme une possibilité de s’en sortir, de trouver un emploi, de vivre une aventure (…) et ce, même s’ils risquent d’y laisser leur vie. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Jacques Vlody : Je pense qu’il y a avant tout un engagement fort pour la Nation. Je connais quelques jeunes qui se sont engagés dans l’Armée et qui connaissent le risque de l’engagement militaire, tout comme leur famille. Mais au-delà de ce risque de mort - qui est mesuré et déjà apprivoisé -, cela fait partie de l’engagement militaire. Les jeunes qui s’engagent le font véritablement pour servir la Nation. La question que l’on doit se poser, c’est celle de la continuité de l’engagement de la France en Afghanistan. C’est sur cette question politique qu’il faut travailler : savoir si nous ne sommes pas en train de nous enliser dans le désert afghan. Est-ce que la France ne doit pas se reposer la question de son engagement en Afghanistan ?
Ces dernières semaines ont également été marquées les élections cantonales et donc votre réélection en tant que conseiller général du Tampon avec une large victoire au second tour dans votre canton. Vous vous êtes fait remarquer à cette occasion en déclarant le soir de votre victoire que vous souhaitiez être candidat à la présidence du conseil général. Votre proposition de candidature était mûrement réfléchi ?
Jean-Jacques Vlody : C’était mûrement réfléchi mais nullement partagé, dans le sens où je n’avais informé personne.
Pourtant, vous saviez que les responsables de votre parti avaient pris position pour la réélection de Nassimah Dindar ?
Jean-Jacques Vlody : Je connaissais la position du Parti Socialiste puisque je la partageais. Mais avant tout, je tiens à remercier ceux qui m’ont de nouveau accordé leur confiance pour cette élection avec 65% des voix. Il faut s’en féliciter mais il y avant tout des responsabilités qui sont derrière, un engagement et une confiance à tenir et très clairement, un engagement pour la mairie du Tampon demain. Le message est clair : je serai engagé pour les élections municipales.
Sur la question de la présidence du conseil général, j’ai voulu simplement poser un débat. Nous sommes dans une majorité et il n’a jamais été question en ce qui me concerne de faire autrement qu’avec cette majorité. Nous sommes dans une majorité sortant avec trois composantes : quel groupe avait le plus de légitimité pour obtenir la présidence ? (...) J’ai tout simplement voulu ouvrir ce débat qui a rapidement été refermé.
Est-ce que vous vous êtes fait taper sur les doigts pas Gilbert Annette ?
Jean-Jacques Vlody : Pas du tout, il n’y a pas eu de rappel à l’ordre mais une analyse.
C’était une façon de refléter le malaise de certains de vos électeurs qui voyaient mal le fait d’avoir élu une majorité de gauche et de se retrouver avec une présidente de droite ?
Jean-Jacques Vlody : J’avais aussi un message à faire passer à mes électeurs. Je voulais ouvrir le débat mais les conditions politiques pour le faire n’étaient pas réunies.
Dans la mise en scène de l’élection de la présidente, on a vraiment eu l’impression que c’était Paul Vergès qui était à la manoeuvre, que c’était le PCR qui tirait les ficelles ? Vous n’avez pas l’impression que c’est lui qui impose sa stratégie et que le PS la subit ?
Jean-Jacques Vlody : Il n’y a pas de stratégie imposée par les uns et subie par les autres (...). Le rapport de force était parfaitement équilibré, nous avons d’un commun accord - des trois sensibilités - porter la candidature de Nassimah Dindar.
Quand même une situation particulière, sans doute unique en France. Partout en France, le PS est le parti de gauche dominant. A la Réunion, c’est depuis longtemps le Parti Communiste. Cela vous met dans une situation compliquée avec toujours ce dilemme : faut-il faire alliance avec le parti communiste ou l’affronter ?
Jean-Jacques Vlody : C’est une conséquence de l’Histoire. De 1946 à 1971, la gauche socialisant a un peu déserté le terrain politique à la Réunion. De 1946 à 1959, le Parti Communiste Réunionnais s’est positionné comme étant le seul parti de gauche. Nous sommes aujourd’hui dans l’héritage d’une situation politique sauf qu’il y a, un rééquilibrage des forces.
Il y a une marche, une évolution en cours (...) et je crois que nous allons vers un Parti Socialiste qui sera demain LE parti de gauche dans lequel toutes les sensibilités de gauche se rassembleront.
Au niveau de la situation sociale, on a l’impression aujourd’hui que la marmite à pression n’arrête pas de chauffer : le chômage n’arrête pas de grimper, la crise frappe durement l’économie, on nous annonce l’essence à 2 euros le litre et des conséquences dramatiques… Et on a l’impression que rien ne se passe, personne ne bouge : pensez qu’il y a une sorte de résignation, de découragement général ?
Jean-Jacques Vlody : Je crois que cela, c’est effectivement la pire des situations : la résignation de la population réunionnaise devant toute la situation sociale qui est extrêmement grave. (...) Je crois qu’il y a de la part de l’Etat, un mépris de la réelle situation sociale de la Réunion. Si il y avait la même situation sociale au niveau national, il y aurait déjà eu soit des mesures exceptionnelles ou un drame social.
Dans l’enjeu politique qui arrive dans les prochains mois par rapport à l’élection présidentielle, le Parti Socialiste devra faire reconnaître une réelle connaissance de la situation sociale de la Réunion afin que des mesures exceptionnelles de l’Etat soient prises pour résorber les retards structurels et faire évoluer la situation sociale de la Réunion.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien avec Jean-Jacques Vlody dans la vidéo ci-jointe.