Quelques jours après avoir claqué la porte d’Europe Ecologie les Verts, Vanessa Miranville s’explique sur le plateau de l’émission Face à L’Info. La jeune femme livre les principales raisons de sa démission : le manque de considération pour le travail des militants, le retour de Rahiba Dubois à Europe Ecologie après son alliance avec le PCR, l’individualisme du Secrétaire Régional Jean-Alain Cadet. Vanessa Miranville ne mâche pas ses mots et égratigne au passage plusieurs figures du parti qu’elle a représenté lors des dernières cantonales. Elle témoigne aussi son ras-le-bol face à ce qu’elle considère comme un non-respect des valeurs écologistes.
Vous étiez porte-parole d’Europe-Ecologie Les Verts et vous avez démissionné de votre poste. Vous vouliez le faire en toute discrétion. On peut dire que c’est raté ?
Vanessa Miranville : C’est vrai que c’est raté. Je ne voulais pas l’ébruiter par respect pour les personnes que j’apprécie encore au sein du parti. Il y a de vrais militants qui ont des valeurs fortes. Mais c’est vrai que c’était impossible pour moi de rester à Europe Ecologie car il y a des valeurs pour moi qui sont importantes. Le respect, l’honnêteté, la transparence, le souci de l’intérêt général. Ces valeurs ne sont plus respectées par l’équipe dirigeante.
En adressant ce courrier à une trentaine de personnes, vous pensiez sérieusement que cette lettre ne serait pas ébruitée ?
Vanessa Miranville : C’est difficile à dire. Moi je l’ai écrite aux personnes qui me sont chères à Europe Ecologie, en espérant que ce ne soit pas divulgué tel quel. Moi je n’ai rien à me reprocher, rien à cacher. Les médias, je leur ai expliqué exactement ce que j’avais mis dans le courrier. pas de souci là-dessus.
Vous vous en prenez violemment au Secrétaire Régional d’EELV. Est-ce lui principalement la cause de votre départ ?
Vanessa Miranville : Non, c’est un ensemble de choses. Jean-Alain Cadet est l’un de ces facteurs. Je l’explique par une succession de sentiments : le sentiment qu’on n’est pas respecté dans le travail qu’on a pu faire mon équipe et moi sur la commune de La Possession.
C’est pourtant lui qui reçoit la charge la plus violente. Vous affirmez qu’il ne rêve que d’un poste de député et qu’il en oublie ses valeurs écologiques.
Vanessa Miranville : Oui, c’est évidemment le sentiment que j’ai, qui est en plus conforté par la dernière conférence de presse. Jean-Alain Cadet a dit ce jour-là que ma démission est un non-événement. C’est pour moi typiquement de la langue de bois. Et je suis absolument contre ça.
Vous dites ne plus vouloir rapporter la parole d’un mouvement auquel vous ne croyez plus. Est-ce que dans ce courrier, vous ne jetez pas le discrédit sur un parti qui a été le votre et sur les membres qui le composent ?
Vanessa Miranville : Je jette le discrédit sur le fonctionnement actuel d’Europe Ecologie. Par ce courrier qui est virulent à l’égard de Monsieur Cadet, j’espère qu’il va y avoir un renouveau, un vrai changement, que des valeurs vont revenir à Europe Ecologie. Sincèrement, j’espère qu’il y aura de nouvelles personnes pour redonner un souffle au parti.
Concrètement, quelles sont les valeurs qui manquent ? Qu’est-ce qui vous pose problème aujourd’hui ?
Vanessa Miranville : C’est au niveau du respect du travail de terrain qu’on effectue sur La Possession.
Dans quelles circonstances n’avez-vous pas été respectée Vanessa Miranville ?
Vanessa Miranville : On nous a dit que c’est Europe Ecologie qui a fait 48% à La Possession, et non pas des gens qui tous les jours étaient au contact de la population, qui ont vraiment donné de leur temps, de leur énergie.
Il y a aussi les valeurs comme l’honnêteté, la transparence, l’intégrité, qui pour moi ne sont plus respectées dans la mesure où on a Madame Rahiba Dubois qui est revenue, et qui pour moi, est vraiment l’archétype de la personne arriviste, qui va là où il y a un poste à prendre. C’est aussi le besoin d’aller aux actions concrètes et de ne pas rester dans la théorie. Ce sont des choses qui ne sont pas faites à Europe Ecologie.
On revient sur ces différents points. On commence avec les résultats des cantonales. Vous pensez sincèrement que vous avez pu faire ce résultat sans l’aide du parti Europe Ecologie Les Verts ?
Vanessa Miranville : Je pense forcément qu’il y a eu une aide. Je tiens quand même évidemment à remercier le parti et à toutes les personnes qui ont cru en moi et qui j’espère continueront de croire en moi. Mais je pense que le score de La Possession - 48% au 2ème tour, même 26% au premier tour, les scores des autres cantons (entre 5 et 8%) - c’est la preuve qu’il y avait autre chose que le parti, dans notre réussite à La Possession.
Vous avez évoqué la réintégration de Rahiba Dubois. Cela vous a posé problème. Pourquoi ?
Vanessa Miranville : Parce que pour moi, c’est quelqu’un qui n’a aucune valeur écologiste, qui est vraiment là pour trouver une place et être élue. Je suis formellement opposée à ça. Je veux faire de la politique autrement.
C’est son rapprochement avec L’Alliance lors des dernières élections régionales qui vous posent problème ?
Vanessa Miranville : Europe Ecologie est un parti à part entière. On ne peut pas un coup se présenter sous l’étiquette Alliance, et la fois d’après revenir à Europe Ecologie, pour repartir demain au PS. Personnellement, les alliances me gênent. Moi j’ai des valeurs écologistes, et je n’ai pas envie par exemple qu’en 2014, on m’impose quelqu’un du Parti Socialiste, sous prétexte qu’il y a eu des accords régionaux.
Justement, lors des prochaines municipales, votre principal adversaire à La Possession n’est autre et ne sera autre que Roland Robert. Est-ce surtout pour cette raison que le rapprochement entre Rahiba Dubois et le PCR vous pose problème ?
Vanessa Miranville : Absolument pas. Cela n’a rien à voir. C’est vraiment une question de valeurs. Qu’elle se soit rapprochée du PS ou d’un tout autre parti, pour moi c’est totalement la même chose. J’ai vraiment une vision des partis qui me fait dire que c’est d’un autre temps. Il faut passer au-delà, aller au-delà de ce clivage Gauche-Droite et aller vraiment vers un clivage qui est vraiment honnête en politique et qui peut vraiment faire avancer les choses. Il y a très peu de gens qui veulent faire avancer les choses malheureusement.
Quels sont les projets que vous allez porter sur la commune de La Possession ?
Vanessa Miranville : Des projets très concrets qui vont se baser sur les attentes des Possessionnais. Donc déjà un travail de fond que je commence dès maintenant. Travailler avec les associations, mettre en place des projets dans le sport, dans l’éducation et l’enfance. Construire des crèches car il en manque énormément à La Possession, développer le tourisme vert.
Tout ça fait partie de l’écologie en fait. L’agriculture biologique à développer à Dos D’Âne, l’aide à la personne (personnes âgées, handicapées). Il faut développer ces services là. Il y a aussi d’autres choses qui manquent cruellement à la Possession. Je veux aller toujours dans le sens de ce que demande la population, mais en pensant au long terme.
Etes-vous pour la Route du Littoral ?
Vanessa Miranville : Je suis contre ce projet tel qu’il est fait parce que deux milliards d’euros vont être dépensés sans qu’on ait demandé aux Réunionnais leur avis. Question sécurité, quand je vois le pont de la rivière Saint-Etienne, j’ai quand même des doutes sur la sécurité.
On nous enlève une route dangereuses mais est-ce que c’est pour nous en mettre une encore plus dangereuse ? Et finalement, on ne règle pas le problème des embouteillages, de la pollution, des voitures, alors qu’avec ces deux milliards d’euros, on aurait pu reconstruire une solution par train qui aurait fait le tour de la Réunion et qui enfin, offre une vrai solution.
Pourtant, la population a voté pour Didier Robert qui était depuis le début opposé au tram-train.
Vanessa Miranville : Oui mais voter pour quelqu’un ça ne veut pas dire être d’accord avec tous ses projets. Les gens étaient globalement pour le tram-train. Tous les jours, quand j’en discute avec des Possessionnais, Didier n’était pas obligé parce que le tram-train était un projet de la Gauche de dire non. On peut admettre que quelqu’un d’autre a de bonnes idées.
Un mot sur la gestion de l’incendie. Qu’en avez-vous pensé ?
Vanessa Miranville : Catastrophique. On a déjà eu un incendie l’an dernier qui avait brûlé 800 hectares. Là on en est à 3000 hectares. On aurait dû en un an changer totalement le mode de gestion et cela n’a pas été le cas. Et là le Dash est arrivé encore plus tard. On se sent vraiment laissé pour compte à La Réunion. Et l’écologie, notre environnement n’est pas du tout mis en valeur. On a beau être inscrit au Patrimoine de L’Unesco, ce n’est pas concret.
Vous qui prônez plus de Justice sociale, êtes-vous pour la surrémunération des fonctionnaires ?
Vanessa Miranville : Je pense que c’est quand même une certaine injustice par rapport au privé et qu’à terme effectivement, il faudra en rediscuter. Il faut évidemment pas la couper tout d’un coup. Je suis pour une suppression progressive ou en tout cas la ramener à un taux plus raisonnable.
Vous l’avez évoqué, vous vous lancez dans la bataille des municipales. Une victoire est-elle possible à La Possession et ailleurs sans appareil politique ?
Vanessa Miranville : Moi j’y crois, je crois vraiment que les gens ont envie de personnalités honnêtes et que c’est ça qui compte, ce ne sont pas les étiquettes.
Qui va figurer sur votre liste ?
Vanessa Miranville : Des militants inconnus, je dirais. Pas des gens qui viennent d’autres partis.
Après l’annonce de votre démission, vous disiez qu’on vous avait fait un appel du pied. Qui exactement et que vous a-t-on proposé ?
Vanessa Miranville : Des coups de fil de proches de monsieur Didier Robert, de monsieur Thierry Robert qui voudraient discuter. Mais je veux être claire, je n’irai dans aucun autre parti. Tout ce que je reproche à Europe Ecologie, je sais que c’est pire dans les autres partis. Donc, je resterai avec des militants et je veux faire un travail sans étiquette, sans parti politique.
Pour qui voterez-vous aux présidentielles ?
Vanessa Miranville : Pour Eva Joly car c’est quelqu’un qui représente l’intégrité, la transparence, un juge anti-corruption.
Et au second tour, vous pencheriez plus pour le candidat François Hollande ou le candidat Nicolas Sarkozy ?
Vanessa Miranville : Vraiment difficile mais j’ai quand même des valeurs de Gauche. Et je pense que mon vote ira plutôt à François Hollande. Je n’aime pas du tout la façon de gouverner de Nicolas Sarkozy et sa façon de donner aux riches en prenant aux pauvres.
Et entre Paul Vergès et Didier Robert, vous choisissez lequel ?
Vanessa Miranville : Aucun des deux, vraiment aucun des deux.