Invité de l’émission Face à l’Info cette semaine, Gilbert Annette a accepté de livrer son analyse sur le feuilleton politico-judiciaire qui a bousculé la carrière de Dominique Strauss-Kahn. Le fait de la semaine, c’est évidemment l’arrestation de l’ancien Directeur du FMI à New-York et son inculpation pour agression sexuelle, séquestration et tentative de viol. Le Maire de Saint-Denis est revenu sur cet événement mondial qui a ébranlé le Parti Socialiste. Gilbert Annette, en sa qualité de 1er Secrétaire du PS a aussi détaillé les enjeux de la prochaine élection présidentielle.
L’actualité de cette semaine, c’est l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn pour agression sexuelle à New-York. Depuis il a été libéré sous caution mais il reste inculpé. Il lui est en effet interdit de quitter New-York, sans doute jusqu’à son procès. Cela veut dire qu’il ne pourra pas se présenter aux primaires du parti socialiste et à l’élection présidentielle de 2012 dont il était le grand favori.
Gilbert Annette, pouvez-vous nous dire ce que vous avez ressenti quand vous avez vu pour la première fois les images de DSK menotté à la sortie du commissariat de Harlem ?
Gilbert Annette : J’ai trouvé la scène cruelle. J’ai été très attristé en voyant les images de Dominique Strauss-Kahn, en voyant cette chute. Un proverbe dit : "La roche Tarpénienne est proche du Capitole" : cette affaire en est l’illustration terrible. J’ai eu un choc comme beaucoup de Français et beaucoup de téléspectateurs. On peut difficilement s’imaginer une telle scène mais c’est la réalité et il faut y faire face.
Vous reconnaissez que cette affaire est un séisme pour le Parti Socialiste ?
Gilbert Annette : Oui, mais il faut nuancer : c’est un séisme par rapport à une affaire privée, dramatique, cruelle. C’est un séisme de droit commun mais je pense que le Parti Socialiste - les sondages le prouvent - sait qu’il a une responsabilité collectivité face à une grosse affaire qui est l’élection présidentielle en 2012.
Connaissez-vous personnellement Dominique Strauss-Kahn ? Est-ce un ami, quelqu’un pour qui vous avez de l’admiration ?
Gilbert Annette : Oui, je l’ai rencontré. On avait un lien. J’avais bien sûr de l’estime, une forme d’admiration parce qu’il avait un plus, quelque chose que les autres candidats n’avaient pas. Une forme d’expertise mondiale, économique, qui faisait aussi qu’il était très haut dans les sondages.
En 2005, l’ex patron du Fonds monétaire international avait effectué une visite à la Réunion pour faire campagne pour le "oui" au référendum sur la constitution européenne. Aviez-vous pu échanger politiquement et personnellement avec lui ?
Gilbert Annette : Surtout politiquement. C’est bien sûr une éminence du Parti Socialiste. J’avais été séduit par ses connaissances, son discours. Il avait conquis l’auditoire. J’avais été marqué par sa qualité.
Beaucoup de personnes affirment que c’était un homme qui s’intéressait beaucoup, vraiment beaucoup aux femmes. L’aviez-vous constaté vous aussi ?
Gilbert Annette : Oui, je l’avais remarqué. Tout le monde le remarquait. Je crois qu’il faut bien le dire pour qu’il n’y ait pas d’amalgame. Entre quelqu’un qui aime les femmes et les courtise pour avoir leur accord et quelqu’un qui use de la force ou de la violence pour assouvir un besoin personnel, ce sont deux choses bien différentes.
On parle aussi de l’addiction sexuelle comme d’une maladie qui toucherait en particulier les hommes de pouvoir. Pensez-vous qu’il y a effectivement un risque quand on est au pouvoir, d’avoir la tentation d’en profiter sur ce plan là ?
Gilbert Annette : Je pense qu’il y a dans le pouvoir une forme de drogue. Moi je ne suis pas un spécialiste, encore moins de la psychologie du pouvoir. Mais je pense qu’on peut perdre un peu le sens des choses et commettre des erreurs. Donc je pense que le pouvoir a une dimension qui peut faire perdre une part de lucidité dans des situations particulières. Ce qui ont de hautes responsabilités doivent avoir un contrôle, une maîtrise. En ce qui me concerne, je fais des efforts là-dessus. J’évite les soirées, je ne bois pas d’alcool. Je sais que l’absence de maîtrise ou une faute de maîtrise peut avoir des conséquences dramatiques.
DSK est hors-jeu dans la course à la présidence. Vous avez perdu votre champion, le grand favori dans tous les sondages. N’avez-vous pas pensé que l’élection présidentielle était compromise, alors que les socialistes avaient toutes les chances de l’emporter avec Strauss-Kahn ?
Gilbert Annette : Ce n’est pas une bonne chose pour nous mais nous avions trois champions. Pour nous, être champion, c’est être apte à battre Nicolas Sarkozy. Or, hier encore le Monde publiait un sondage qui disait que deux candidats socialistes seraient au premier tour : François Hollande avec 29% et Martine Aubry avec un score de 27% contre un Nicolas Sarkozy qui récolterait 21% des voix. Dans la tempête, dans le cyclone, nous avons deux autres champions. C’est vrai qu’avec cette affaire, je me suis dit que nous n’avions pas de chance. La partie va être plus serrée mais la victoire est jouable.
Mais vous oubliez la deuxième partie du sondage qui dit que ces deux candidats socialistes seraient battus par Nicolas Sarkozy au deuxième tour, qui profiterait alors du retrait de DSK. Le paradoxe c’est que le grand vainqueur de 2012 - du moins aujourd’hui - c’est Nicolas Sarkozy.
Gilbert Annette : Oui, mais on sait que 71% des Français considèrent que le bilan de N.Sarkozy est négatif et mauvais. Il faut prendre du recul par rapport aux sondages car il reflètent l’émotion du moment.
Avant ce scandale il y a eu toute une polémique sur la Porsche dans laquelle est montée DSK, la chambre d’hôtel à 3000 dollars la nuit... cela vous gênait que DSK soit encore plus "bling-bling" que Nicolas Sarkozy ?
Gilbert Annette : Apparemment, tous cela n’était que des rumeurs de dernière minute. Nous ne voyions pas en Dominique Strauss-Kahn cette dimension là. Nous voyions l’expert qui, à la tête du fonds monétaire international, avait réussi à redresser des situations, qui était porté par les médias internationaux, par les chefs d’Etats et surtout que les Français lui faisaient largement confiance. Donc pour nous, c’étaient des éléments importants, plus important que la Porsche qu’il avait empruntée quelques instants.
F.Hollande et M.Aubry ne collent-ils pas plus avec l’image que vous vous faites d’un candidat socialiste ?
Gilbert Annette : Je pense qu’il y a une forme d’adéquation. Je sais aussi que la candidature à la présidentielle c’est de répondre à l’attente des Français. Aujourd’hui, il faut être maître du temps, attendre la candidature de Martine Aubry, voir quels sont les éléments qui se regroupent derrière les uns et les autres. Dans deux mois, nous trancherons. Nous saurons qui est candidat et nous aurons deux mois de campagne.
Avez-vous votre favori pour l’élection présidentielle ?
Gilbert Annette : Je suis partagé. François Hollande et Martine Aubry sont deux excellents candidats, avec qui j’ai toujours entretenu d’excellentes relations. Donc, je pense qu’il faut prendre le temps de la réflexion.
Que pensez-vous du débat sur la sévérité des mesures annoncées par le Gouvernement en matière de sécurité routière ?
Gilbert Annette : Je pense qu’il faut changer le comportement des conducteurs. L’absence de dureté a des conséquences. D’ailleurs, on a vu que le fait d’avoir changé un certain nombre de règles a augmenté le nombre d’accidents et de décès. Donc, je crois que c’est une bonne chose d’être sévère. Il faut que les conducteurs changent et respectent les limitations de vitesse.
Vous avez accepté lors de précédents entretiens d’évoquer l’expérience de la prison que vous avez aussi vécue. Voir DSK dans cette situation, menotté, emmené en prison, cela a-t-il fait remonter des souvenirs ?
Gilbert Annette : Pas vraiment. je sais que j’ai eu une dure épreuve mais je sais que beaucoup d’hommes politiques, de grands hommes politiques ont vécu la même situation (Mandela, Gandhi). Le combat politique est un combat rude, avec des risques. Chacun doit assumer ses responsabilités. Moi je suis un démocrate. J’accepte la Justice. Je crois que nous sommes responsables de nos actes et que nous devons en rendre compte. Mais ce n’est pas le fait que j’ai traversé cette épreuve qui peut modifier mon appréciation de la situation.
Diriez-vous que vous comprenez mieux que quiconque ce qu’il a pu ressentir à ce moment là ?
Gilbert Annette : Je pense que je peux mesurer sa peine, sa détresse, la cruauté de sa situation. Mais ça ne doit pas modifier mon jugement et je ne dois pas être complaisant en tous les cas par rapport à la situation. Moi j’attends de savoir quelle est la réalité des faits.
Votre condamnation remonte à 15 ans. Vous souvenez-vous de ce qui était le plus dur ?
Gilbert Annette : L’instruction, la condamnation, les preuves elles-mêmes. Ce qui a été le plus dur, c’était de voir le ressenti des proches, de la famille, de ma mère et de mes enfants notamment. C’était une épreuve terrible.
Retrouvez dans la vidéo jointe, l’intégralité de cet entretien avec le Maire de Saint-Denis et 1er Secrétaire fédéral du Parti Socialiste Gilbert Annette, ainsi que les questions décalées.