L’examen de la Lodeom a commencé hier à l’assemblée nationale. Au total, plus de 450 amendements vont être soumis en trois jours. Chacun de nos parlementaires défendra les aspects qui lui semblent vitaux pour cette nouvelle loi d’orientation. La discussion générale a commencé lundi soir. Didier Robert Député-Maire du Tampon a réaffirmé que le texte est « très attendu et fondateur pour l’Outre-mer ». Son discours ci-dessous met en avant ses priorités pour la Réunion.
« Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers Collègues, Nous sommes à un moment particulier de l’Histoire des Départements et territoires d’outre-mer. Un moment où les attentes et les interrogations de nos populations s’expriment dans la rue, dans la douleur, parfois dans la violence, un moment où les incompréhensions au plan national sont elles aussi de plus en plus marquées. Nous sommes à la fin d’une période, à la fin d’un cycle, plus de 60 ans après la départementalisation. Une période au cours de laquelle un certain nombre d’avancées institutionnelles, économiques et sociales ont été réalisées. Mais nous sommes aussi aujourd’hui dans le temps de l’essoufflement d’un système. La dynamique économique outre-mer existe incontestablement, mais elle ne suffit pas à masquer une réalité sociale difficile sur l’ensemble de nos régions ultramarines. Chômage, précarité, retard de développement traduisent encore bien trop souvent la vie au quotidien de nos populations. De ce point de vue, je dénonce, une fois encore, le regard trompeur et parfois condescendant porté sur des îles de farniente et de soleil, des territoires qui, de surcroît, coûteraient cher à la France. Cette situation ne correspond pas à ce que nous vivons chaque jour. Elle ne correspond pas à ce que nous sommes. Nous sommes fiers de notre appartenance à la France, fiers de partager une même communauté de destin, fiers d’apporter à notre pays , et j’ose le dire, bien plus qu’il ne nous donne parfois. La France, contrairement aux autres grandes puissances, n’est pas qu’un simple territoire historique, recroquevillé sur lui- même, qui aborde le monde le dos tourné, marqué par la peur d’une mondialisation pourtant inéluctable. Notre pays est aussi à un tournant de son Histoire, présent et ambitieux pour tout le XXIème siècle ou oublié des grands enjeux. Les outre-mer sont aujourd’hui ce formidable trait d’union entre le passé et l’avenir, entre le conservatisme et le progrès, entre la frilosité et le courage. Oser l’outre-mer aujourd’hui, c’est pour notre pays en accepter une vision différente, c’est pour les territoires ultramarins rompre avec un passé parfois douloureux. La nouvelle loi pour le développement économique des outre-mer s’inscrit, de mon point de vue, délibérément dans cette perspective. Il s’agit là d’une étape essentielle, une étape qui devra rapidement être complétée par un dispositif tout aussi ambitieux de cohésion sociale. C ?est un texte attendu. C’est un vrai texte fondateur pour tout l’outre-mer. Certes, il intervient dans un contexte difficile au moment d’une crise économique sans précédent dont nous ne mesurons pas encore sûrement toutes les conséquences. Une crise économique vécue avec encore plus de difficultés dans nos Départements et Territoires compte tenu de la fragilité même de nos économies. Je voudrai, Monsieur le secrétaire d’Etat, vous témoigner mon soutien dans la démarche qui est la vôtre malgré les fortes turbulences de ces dernières semaines, et saluer ici, la qualité de votre écoute et la juste prise en compte de nos réalités. La gravité de la situation outre-mer, l’ambition commune que nous devons partager, font que l’heure, mes chers Collègues, n’est plus au diagnostic, au constat, à un énième état des lieux que nous connaissons tous, mais bien à l’action. Le monde économique, l’ensemble des acteurs du développement ont besoin avant tout d’être rassurés et d’avoir une fois pour toute la lisibilité suffisante pour pouvoir à la fois dépasser cette crise et mieux construire pour demain. Pour la première fois dans l’Histoire de l’outre-mer, notre Assemblée aura à se prononcer sur un texte de loi qui scelle les bases d’une vraie stratégie de développement à long terme. Une démarche qui permet d’identifier très clairement les secteurs prioritaires sur lesquels seront concentrés tous les efforts dans les années à venir. Il s’agit là d’une véritable révolution, d’une vraie rupture avec une vision dépassée du développement des outre-mer qui a vécu ; une vision qui consistait à vouloir tout faire en même temps, et donc, fatalement, à finir par tout faire de manière approximative, désordonnée, avec un résultat au final insuffisant. Toute l’originalité et toute la force de ce texte reposent sur la création, souhaitée par le Président de la République, des zones franches globales d’activités. C’est à la fois donner une perspective et une ambition d’ensemble aux économies d’Outre-mer tout en apportant une réponse nécessaire à un aménagement équilibré de chacun des territoires concernés. Toutes les micro-économies à travers le monde, qui ont réussi le pari du développement économique, sont celles-là même qui ont, de manière volontaire, arrêté et fait le choix d’une stratégie reposant sur la dynamique des secteurs clefs. A différentes échelles, c’est le cas par exemple de l’Irlande avec les NTIC, de Singapour avec les activités de port franc ou encore de l’île Maurice avec le tourisme. Pour la première fois, l’architecture générale d’un projet de loi répond à cette logique. Je ne peux, Monsieur le Ministre, que m’en féliciter. De même, en ce qui concerne le logement, ce texte prend en compte les effets contestables de la défiscalisation, notamment la flambée irrationnelle du coût du foncier. La volonté inscrite désormais de réorienter une partie importante de ces mesures en faveur du logement social, tout en maintenant les dispositifs au profit des primo-accédants est incontestablement la réponse la mieux adaptée aux réalités locales. Enfin, je ne peux que me féliciter des premières mesures avancées s’agissant de la continuité territoriale. Elle reste une des conditions du développement mais aussi et surtout de l’ouverture de nos territoires sur le monde. Le fonds de continuité territoriale devrait nous permettre de donner une force véritable à nos politiques de mobilité qui étaient, jusqu’à présent, il faut bien le reconnaître, en panne de volonté et d’inspiration. Néanmoins, je continue à plaider pour une prise en compte particulière de certains secteurs d’activités. Je veux parler ici du petit commerce de proximité, du transport routier et du secteur du BTP. Si nous voulons que ce texte produise tous ses effets, il faut accepter d’intégrer dans ce projet de loi ces secteurs d’activités en élargissant le champ d ?application de la zone franche à leur profit. Par ailleurs, je voudrais remercier mes collègues de la Commission des finances et tout particulièrement son rapporteur Gaël Yanno, qui ont bien voulu accepter l’amendement que nous avons déposé, René-Paul Victoria, Gabrielle Louis Carabin et moi-même, afin d’élargir le champ d’application des zones franches globales d’activités aux micro-entreprises. A La Réunion, ce sont plus de 2000 très petites entreprises qui pourront bénéficier de ces dispositions. Pour aller plus loin et dans le même esprit, je serai amené à proposer un amendement qui vise à créer un crédit d’impôt en faveur des petites et moyennes entreprises adhérant aux structures d’accompagnement de projets innovants tels que les pôles de compétitivité. C ?est de manière déterminée, engagée et volontaire que je voterai donc en faveur de cette loi pour le développement économique des outre-mer. Mais je l’ai dit, il s’agit ici d’une première étape et notre démarche doit nous amener bien plus loin. Les Etats Généraux, voulus par le Président de la République, seront l’occasion offerte d’une expression et d’une appropriation de l’avenir de nos territoires par leurs populations. C’est la première fois, en effet, qu ?une consultation aussi large est menée dans tout l’outre-mer français. C’est une occasion unique pour les Réunionnais, et l’ensemble des ultramarins de dire et de formaliser leur vision du développement de leur territoire dans toute leur dimension. En ce qui me concerne, je souhaite que l ?éducation au sens large, l’école de la République, de la maternelle à l ?université, devienne la priorité numéro 1 pour La Réunion. De même, nous ne pouvons plus faire l’économie d’une grande loi de cohésion sociale pour laquelle je me bats depuis plusieurs mois maintenant. La question des emplois aidés, de l ?insertion, de la formation des jeunes, des retraites et des minima sociaux, du pouvoir d’achat est aujourd’hui aussi au coeur de nos préoccupations. Dans notre département, l ?accompagnement des plus fragiles et des personnes en difficulté doit être une obligation de tous les instants. Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues, je souhaite que cette loi pour le développement économique ouvre une nouvelle ère dans les relations entre la République et les outre-mer. Nous avons, pour chacun d’entre nous, à prendre nos responsabilités. Nous devons réussir le pari de demain, celui qui allie efficacité économique, respect du développement durable et prise en compte de la dimension humaine. Vous avez su Monsieur, le Ministre montrer pragmatisme et audace à l’occasion de l’élaboration de ce projet de loi. C’est bien pour cela que je voudrais, chers collègues, que nous arrêtions de bouder notre satisfaction pour un texte consensuel qui répond pleinement à son objectif de cohérence économique. Nous attendons tous beaucoup de Paris, mais nous devons aussi savoir nous rassembler, au-delà de nos divergences politiques, pour construire et aller de l’avant dans le sens de l’intérêt général : dire non lorsqu’il le faut, mais marquer aussi notre approbation lorsque nous sommes compris et entendus. C’est aussi cela la force d’une rupture positive. Une ambition économique, des Etats Généraux que nous devons réussir, une grande loi de cohésion sociale. Voilà le sens de la marche que nous pourrions tous ensemble emprunter pour la grandeur des Outre-mer, pour la grandeur de la France. « Aucun de nous, en agissant seul ne peut atteindre le succès », affirmait Nelson Mandela lors de son discours d’investiture, le 10 Mai 1994.
Je vous remercie.
Didier ROBERT Député-Maire