Au lendemain de l’explosion, c’est toute la famille Orboin qui est plongée dans l’inquiétude. Joints par téléphone, les parents de Ludovic Orboin, jeune policier s’apprêtent à prendre l’avion ce soir pour aller au chevet de leur fils plongé dans le coma : « Nous n’avons pratiquement pas de nouvelles depuis hier. Nous savons qu’il doit subir une grosse opération demain… ».
Ludovic Orboin est gardien de la paix stagiaire depuis deux ans. Il est affecté depuis moins d’une année au commissariat parisien.
Pour rappel, hier un four de l’usine Carbone-Lorraine, situé en plein centre-ville, explose. Un opérateur de 51 ans est tué, douze personnes blessées dont neuf grièvement par les flammes et le souffle.
Admis à l’hôpital Percy de Clamart, un policier réunionnais de Gennevilliers est entre la vie et la mort. En quelques secondes, tout le quartier de la cité-jardin s’est retrouvé en état de choc.
Immédiatement, toutes les rues voisines ont été bouclées par un impressionnant périmètre de sécurité. Le hurlement des sirènes des pompiers et des ambulances, les pinceaux bleutés de gyrophares et les incessants va-et-vient des secours ont fini par réveiller les habitants de ce quartier situé à 300 m de la mairie.
Curieusement, l’explosion survenue sous terre est pratiquement passée inaperçue. « J’ai peut-être entendu quelque chose de sourd, mais quand la police et les pompiers ont déboulé, là, j’ai sauté du lit. J’ai commencé à flipper », se souvient Philippe un habitant. De l’extérieur de l’usine, rien ne laissait imaginer la tragédie qui venait de se produire.
L’entreprise n’est pas estampillée Seveso
Carbone-Lorraine est à elle seule un pan de l’histoire industrielle du département. Construite en 1912, l’usine compte aujourd’hui 220 employés et fabrique des freins et des trains d’atterrissage en graphite pour le TGV et l’aéronautique. Une activité sensible réalisée dans des fours enfouis dans le sol et où la température des matériaux en fusion dépasse les 2 000o.
Si l’entreprise n’est pas estampillée Seveso, elle fait quand même partie des installations classées et donc soumises à des normes et des inspections strictes et fréquentes.
Le drame d’hier a ravivé des craintes quelque peu enfouies dans les mémoires. « C’est fou, une boîte comme celle-ci au milieu des habitations… Il y a un vrai risque », fulmine un riverain tandis que ses proches acquiescent. « Je n’ai jamais vu un tel déploiement de secours, constate Hassan. J’habite juste en face. Tout de suite, j’ai repensé à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse.
Le problème se pose vraiment. Est-ce que la place d’activités industrielles dangereuses telles que celle-ci est au beau milieu des immeubles d’habitations ? » À l’instar de nombreux riverains, il se souvient des accidents et des alertes déjà survenues dans les années 1980 et 1990. Plus récemment, en septembre 2003, un des six fours s’était emballé.
La surchauffe avait provoqué une fuite de gaz et un épais dégagement de fumée noire. Des alertes certes, mais aux conséquences nettement moins dramatiques qu’hier. L’arrivée des pompiers de l’unité NBC, les spécialistes des risques chimiques, n’a rien fait pour calmer les doutes.