François Fillon, qui fêtera lundi ses trois ans à Matignon, a réussi à s’imposer malgré son relatif effacement, aidé par une popularité rendant les paris sur son départ prochain d’autant plus risqués qu’aucun remplaçant n’émerge clairement.
PARIS (AFP) - François Fillon, qui fêtera lundi ses trois ans à Matignon, a réussi à s’imposer malgré son relatif effacement, aidé par une popularité rendant les paris sur son départ prochain d’autant plus risqués qu’aucun remplaçant n’émerge clairement.
Durant les premiers mois de son tandem avec Nicolas Sarkozy qui l’avait relégué au rang de "collaborateur", le Premier ministre a beaucoup enduré, y compris physiquement, crucifié par une douloureuse sciatique.
Le chef de l’Etat s’empare de tous les dossiers, communique à tout va et accorde des prérogatives jamais vues jusque là à ses plus proches conseillers. Le Premier ministre est alors maintes fois donné partant.
Mais en 2008 la roue tourne. Les déboires conjugaux de Nicolas Sarkozy, son remariage glamour avec Carla Bruni et plus généralement son style de présidence décontractée déconcertent l’opinion, jusque dans les rangs de sa majorité qui cherche à se rassurer.
La droite se retourne, peut-être plus par défaut que par adhésion, vers François Fillon, à l’image de tranquille gestionnaire, rigoureux et plus en phase avec ses canons idéologiques. Les sondages s’en ressentent. Depuis deux ans, il fait la course en tête devant le président de la République.
Mais le Premier ministre, 56 ans, se veut "loyal", démentant toute ambition présidentielle et occupe, docilement disent ses détracteurs, le peu d’espace qui lui reste.
"Il a renoncé à imprimer sa différence", se moque Jean-François Copé, le patron des députés UMP. "Si Sarkozy dit que la table est verte, Fillon dira que la table est verte".
Si depuis les régionales, Nicolas Sarkozy a modéré sa médiatisation, il continue à occuper le terrain en se déplaçant bien plus que François Fillon et l’Elysée garde la haute main sur les sujets érigés en priorité, comme sécurité et retraites.
Un temps, le chef de l’Etat avait laissé planer la possibilité d’un large remaniement à la moitié de son quinquennat. Il n’en a rien été.
L’hypothèse est revenue avec pour échéance la réforme des retraites, à l’automne, relançant les spéculations sur les premiers ministrables, en vue de la présidentielle car le chef de l’Etat a prévenu qu’à partir de mi-2011, "on ne fera que de la politique". Un "+on+ qui veut dire +je+", traduit un conseiller de Matignon.
Le nouveau ministre du Travail Eric Woerth fait partie des challengers, au côté de Jean-Louis Borloo (Ecologie), qui pourrait rassembler un centre éparpillé et déterminant pour 2012.
Nicolas Sarkozy pourrait aussi jouer la carte féminine avec la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie, bien vue chez les gaullistes historiques, ou Christine Lagarde.
Mais plus la liste s’allonge, moins une personnalité se détache. "Le grand remaniement pourrait se faire avec Fillon", juge un ministre proche de Nicolas Sarkozy. Le souhait d’un quinquennat complet à Matignon, souvent exprimé à demi-mot par l’intéressé, deviendrait alors réalité.
"Il est loyal, fait bien son job et a un bon esprit d’équipe", analyse un secrétaire d’Etat qui souligne un autre atout de taille : "la confiance des députés".
Nicolas Sarkozy, estime un autre membre du gouvernement, prendrait un risque en limogeant un Premier ministre populaire, pouvant devenir "un nouveau chouchou des médias" qui éclipserait le président.
Deux ans de plus avec Nicolas Sarkozy, ce serait un "peu usant" pour François Fillon, glisse cependant l’un de ses conseillers, qui l’imagine partir auréolé "d’une réforme réussie des retraites", mise à son actif même s’il en reste pour l’instant absent.