Le projet de loi visant à interdire le port du voile intégral, qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres et dont l’AFP a obtenu copie, prévoit "un stage de citoyenneté" pour les femmes concernées, qui s’ajoutera ou se substituera à l’amende de 150 euros encourue.
PARIS (AFP) - Le Conseil des ministres examine mercredi le projet de loi interdisant le port du voile du intégral dans l’espace public, qui s’annonce beaucoup moins consensuel que la "résolution" parlementaire, déclaration de principe votée à la quasi-unanimité, le 11 mai, à l’Assemblée.
Ce texte, débattu par les députés en juillet puis les sénateurs début septembre pour une promulgation dans la foulée, doit être l’épilogue de longs débats, souvent houleux, même si le Premier ministre François Fillon s’est employé ces dernières semaines à déminer le terrain en recevant partis politiques et autorités religieuses.
Préparé par Michèle Alliot-Marie (Justice), le texte stipule que, dans l’espace public —services publics, lieux ouverts au public et rue—, "nul ne peut porter une tenue destinée à dissimuler son visage", sauf exceptions (casque de motocycliste, masque chirurgical, cagoule des forces de sécurité, tenue de carnaval...).
Saisi, le Conseil d’Etat a de nouveau émis un avis défavorable sur le périmètre choisi qui, selon lui, ne repose sur "aucun fondement juridique incontestable", d’où de "fortes incertitudes constitutionnelles".
Le gouvernement et la majorité UMP ont décidé de passer outre cet avis consultatif, "respectable mais contestable", selon les termes du patron des députés UMP, Jean-François Copé.
Le projet de loi expose les contrevenantes à une amende de 150 euros et/ou un stage de citoyenneté ayant pour objet de rappeler les valeurs républicaines. La verbalisation ne sera donc pas systématique.
"L’esprit du projet de loi, ce n’est pas la matraque", se réjouit André Gerin (PCF), initiateur du débat, il y a un an. Il avait d’ailleurs présidé la mission d’information sur ce sujet.
L’interdiction tout comme les sanctions n’entreront en vigueur qu’au printemps 2011, après six mois de pédagogie, suivant la promulgation de la loi.
En revanche, les maris ou concubins obligeant leurs compagnes à se voiler seront aussitôt sanctionnables, selon un nouveau délit (un an de prison et 15.000 euros d’amende).
Le consensus s’annonce difficile au Parlement. Si la classe politique est unanime pour condamner le port du voile intégral, jugé attentatoire à la dignité de la femme, elle est divisée sur la voie à emprunter pour enrayer cette pratique étrangère aux préceptes de l’islam et concernant environ 2.000 femmes en France, selon le gouvernement.
L’UMP approuve -comme le PRG- ce texte, qui constitue une victoire personnelle pour Jean-François Copé. "A un moment, on avait tout l’orchestre contre nous" sur la nécessité d’une loi comme sur son périmètre, souligne son entourage, en allusion aux atermoiements au sein de la majorité.
Les centristes sont divisés et une bonne partie de la gauche redoute, comme les autorités religieuses, une "stigmatisation" des musulmans. Le PS est très partagé. D’abord hostile à une loi, il a finalement proposé son propre texte qui, s’appuyant sur le Conseil d’Etat, limite l’interdiction aux services publics et aux commerces.
L’exécutif et la majorité pensent pouvoir éviter l’obstacle -éventuel- du Conseil constitutionnel, en faisant le pari que la gauche n’osera pas le saisir sur un sujet aussi sensible. Les Sages pourraient toutefois être saisis ultérieurement par tout justiciable. Reste aussi la Cour européenne des droits de l’homme vers laquelle peuvent se tourner les citoyens.