Somptueuse plongée au cœur de l’élément marin : "Océans". Ce film dévoile les beautés secrètes d’une faune sauvage filmée par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud lors d’un tournage au long cours autour du globe, et qui a nécessité de nombreuses prouesses techniques.
Jacques Perrin frappe une nouvelle fois. 9 ans après la sortie de son fascinant documentaire "Peuple migrateur". Déjà à l’époque il avait filmé les oiseaux comme jamais avant lui. En vol. Au dessus des plus beaux endroits de la planète : le Grand Canyon, New York, Paris, le Sahara, l’Himalaya... En direction du nord. Cette fabuleuse odyssée des "performeurs" des airs fascinait.
Cette fois, dans « Océans », c’est à peu près la même émotion. Plus encore si on aime le monde marin. Nombre de scènes, le plus souvent inédites ou rarissimes, vous donnent l’impression de pénétrer dans des sanctuaires vierges de toute présence humaine, où règnent paix et harmonie. Car pour réaliser ce nouveau film documentaire exceptionnel, Jacques Perrin comme à son habitude à déployé des moyens exceptionnels : « La grande innovation que l’on a sur le film, c’est d’être à la même vitesse que les animaux. Filmer à la vitesse où se déplacent les animaux, c’est comprendre leur vie, parce que les dauphins sont toujours en déplacement » explique le réalisateur (voir son interview à la fin de l’article).
Et en effet, il aura fallu deux ans de préparation, quatre ans de tournage, 75 expéditions menées de l’Arctique à l’Antarctique et des centaines d’heures de plongée pour permettre de réaliser cet exceptionnel voyage sensoriel dans les paradis marins. "Océans" est un éblouissant voyage dans l’intimité des cinq océans du globe, qui répond à la curiosité enfantine mais enchante aussi le spectateur adulte, transporté de la Californie à la Polynésie, des îles Galapagos à l’Indonésie.
Vous pourrez découvrir dans l’immensité bleue, la splendeur d’un ballet de méduses qui semblent s’envoler vers la surface ou la colonne d’argent formée par un banc de poissons qui tournoient en frétillant. Un instant plus tard la caméra refait surface pour suivre, au large des côtes de l’Afrique du sud, des oiseaux, les fous du Cap, qui plongent en piqué vers un banc de sardines, mitraillant la surface de l’eau.
Les caméras habillement maniée vous montre la grâce d’un baleineau qui file contre le flanc de sa mère, la course folle des dauphins ou leur nage amoureuse, ventre contre ventre, le bain de soleil d’une loutre, du sable collé à son corps luisant, qui soupire de bien-être... Captés ou entièrement recréés pour les séquences sous l’eau, les cris ou bruits qui émaillent la bande-son donnent une incroyable présence aux animaux.
Parmi les scènes les plus impressionnantes figure un duel de western entre un crabe et une langouste, où contre toute attente cette dernière déchire une patte à son ennemi avant de le laisser agoniser. Si la narration paraîtra par moments un peu décousue, tantôt descriptive, tantôt lyrique, la force des images maintient le spectateur dans un état d’émerveillement. Un documentaire sous forme de plaidoyer pour la planète. Après avoir célébré le foisonnement et l’incroyable richesse de cette vie marine, "Océans" aborde les dangers qui menacent ces fragiles écosystèmes.
Les méfaits de la pêche intensive sont évoqués dans une scène poignante où l’on suit la lente agonie d’un requin amputé de son aileron et de sa queue puis jeté par-dessus bord par des pêcheurs sans scrupules. Absurde forme sanguinolente, il coule à pic vers les grands fonds.
Un bémol tout de même. Le film se fait plus allusif en ce qui concerne la pollution industrielle.
Hasard ou coïncidence ? Avec un coût de quelque 50 millions d’euros, "Océans" n’aurait pas vu le jour sans la contribution financière de sponsors parmi lesquels les puissants groupes industriels Total, EDF ou Veolia.
Greenpeace estime que parmi les polluants retrouvés dans la mer, 44 % sont de source terrestre et 33 % d’origine atmosphérique. Le transport maritime représente seulement 12 % de la pollution.++++
Trois questions à Jacques Perrin
« Il faut filmer à la vitesse où se déplacent les animaux »
Comment êtes-vous entrés dans l’intimité des animaux ?
Toute la préparation technique nous a permis d’avoir une dynamique d’observation qui n’existait pas jusqu’à présent. La grande innovation que l’on a sur le film, c’est d’être à la même vitesse que les animaux. Filmer à la vitesse où se déplacent les animaux, c’est comprendre leur vie, parce que les dauphins sont toujours en déplacement. Quand on voit un dauphin immobile faire des facéties dans un aquarium, ce n’est pas vraiment ça la vie de ces grands coureurs d’océans : c’est de traverser l’océan toute l’année, pour trouver les endroits où il y a foison d’aliments. Un peu comme les hirondelles, qui se déplacent en mangeant des insectes.
Il s’agissait de les déranger le moins possible ?
Nous ne les dérangions pas puisqu’avec nos torpilles et nos engins de poursuite, nous nous inscrivions dans leurs déplacements et ils ne se rendaient pas compte que l’on était auprès d’eux. Les thons, les dauphins s’approchaient même de la caméra, de la torpille principale, comme si c’était un animal étranger. Cela nous a permis d’avoir au premier plan des animaux qui vont à toute vitesse, c’est une découverte tout à fait extraordinaire, la sensation d’allure, de déplacement. Donc on ne les a jamais perturbés.
Le tournage d’"Océans" a été particulièrement difficile, au plan technique ?
Nous étions à l’affût. François Sarano, qui est plongeur, s’approchait des gros individus. Plus ils sont gros, plus ils sont craintifs. Nous avions un système en circuit fermé qui ne fait pas de bulles, et nous permettait de nous approcher avec une caméra dotée d’une possibilité d’enregistrement extrêmement longue. Et la courbe de sensibilité de nos caméras ayant été augmentée, nous avions la possibilité de filmer des animaux dont on aperçoit le ventre en contre-jour, avec derrière l’éclairage solaire. Normalement, ces différences de chaleur et de dominantes de couleurs font que ça explose. Mais nous arrivions à les maîtriser et le numérique nous donnait encore beaucoup plus de possibilités : nous pouvions très bien par exemple, changer la couleur d’un petit pétale.