Un rapport rendu public jeudi par l’organisme des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW), pointe les excès de contrôles menés par la police en France.
L’ONG (organisation non-gouvernemental) HRW dénonce dans son rapport des pratiques policières jugées peu regardantes sur le respect des droits de l’homme tels que les contrôles au faciès, fouilles, insultes, violences physiques…
"Pour les jeunes noirs et arabes vivant dans des zones économiquement défavorisées, les contrôles d’identité font partie de la vie courante", indique l’ONG, qui a mené son enquête en 2011. Les informations recueillies par l’organisme sont les résultats d’une série d’entretiens avec 67 Français des régions parisienne, lyonnaise et lilloise. Les personnes interrogées étaient pour la plupart originaires d’Afrique ou des Antilles, ainsi que des fonctionnaires des préfectures de police et des syndicalistes.
"La police suppose que certaines personnes sont plus susceptibles d’être des délinquants en se basant sur leur apparence, entre autres la race et l’origine ethnique, plutôt que sur leur comportement", poursuit le rapport, dont la conclusion s’aligne avec celle établie par l’Open Society Justice Initiative (OSJI) selon laquelle les probabilités de contrôle sont "six fois plus élevées pour les Noirs et près de huit fois plus pour les Arabes".
Ce phénomène du "contrôle au faciès" n’est pas nouveau en France et a déjà été dénoncé à plusieurs reprises par des organisations de défense des droits de l’homme tant au niveau national qu’international.
Dans le rapport, l’Ong HRW cite le cas d’un dénommé Kamel, âgé de 18 ans et habitant Pantin, dans la Seine-Saint-Denis. Ce jeune homme d’origine étrangère raconte qu’il s’est fait contrôler par la police dès l’âge de 13 ans, et qu’il devait montrer ses papiers d’identité "parfois quatre ou cinq fois par semaine".
"Les policiers ont des préjugés. C’est sur la couleur de la peau, mais surtout les habits", affirme un autre jeune, Nordine, 16 ans, habitant au XIe arrondissement de Paris. Celui-ci aurait régulièrement fait l’objet de palpations, un acte qu’il considère comme "dégradant".
Le document de l’HRW pointe en particulier ces "fouilles intrusives", rappelant que "ni le code de procédure pénale, ni aucune autre loi écrite n’octroient explicitement le pouvoir de procéder à ce type de fouilles corporelles".
Après avoir dressé ce constat, Human Rights Watch demande pour la première fois au gouvernement français d’agir pour changer la loi et les pratiques des forces de l’ordre. "Le code de procédure pénale français accorde trop de pouvoirs aux forces de l’ordre dans l’exécution des contrôles d’identité, ouvrant largement la porte à l’arbitraire et aux abus", fustige le rapport. Human Rights Watch "appelle le gouvernement français à reconnaître les problèmes posés et à adopter les réformes juridiques et politiques nécessaires pour prévenir le profilage ethnique et les mauvais traitements lors des contrôles."
HRW propose par exemple de modifier le code de procédure pénale de façon à ce que les contrôles d’identité ne soient menés qu’à l’existence préalable de "soupçons raisonnables et individualisés". Un meilleur encadrement des contrôles est également proposé avec notamment une obligation d’informer les personnes contrôlées de l’aspect juridique de la démarche et de leurs droits. L’Ong suggère aussi d’établir systématiquement un procès-verbal (PV) du contrôle.
Les recommandations de Human Rights Watch ont été vivement contestées par la Direction générale de la police nationale (DGPN), qui les qualifie de "caricaturales et choquantes". La police française dément tout racisme, assurant que tout acte illégal est sévèrement réprimé. "Ce rapport, qui bien sûr ne peut pas s’inscrire dans une démarche scientifique, est une présentation très caricaturale de la police nationale. Il est même choquant quand il est fait référence au profilage ethnique", réagit Pascal Garibian, porte-parole de la DGPN. Selon ce responsable de la police, les contrôles d’identité en France sont réalisés "sous le contrôle de l’autorité judiciaire, un dispositif qui a en plus été validé par le Conseil constitutionnel".
Le principal syndicat de la police Alliance estime que ce rapport "ne reflète pas la réalité" en France, tandis que Synergie parle carrément d’une "insulte aux 145 000 policiers" français. Selon les chiffres officiels, seulement 26 policiers sur les 145 000 en exercice ont été sanctionnés pour comportement raciste depuis 2006.