Les professionnels des crèches réunis dans le collectif "Pas de bébés à la consigne !" (une cinquantaine de syndicats et d’associations) ne veulent pas d’un décret que le gouvernement s’apprête à publier et appellent à une troisième journée nationale de grèves et de manifestions ce jeudi.
PARIS (AFP) - Les professionnels des crèches réunis dans le collectif "Pas de bébés à la consigne !" (une cinquantaine de syndicats et d’associations) ne veulent pas d’un décret que le gouvernement s’apprête à publier et appellent à une troisième journée nationale de grèves et de manifestions ce jeudi.
Le décret abaisse le niveau de qualification d’une partie des personnels des crèches et leur permet, ponctuellement, d’accueillir plus d’enfants. Le but : aider les familles à faire garder leurs enfants dans un contexte général de pénurie de places.
Les professionnels des crèches réunis dans le collectif "Pas de bébés à la consigne !" (une cinquantaine de syndicats et d’associations) ne veulent pas de ce décret et appellent à une troisième journée nationale de grèves et de manifestions jeudi.
Pour Bernard Golse, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker à Paris, leur combat est "légitime".
"Depuis 50 ans, on sait beaucoup mieux ce dont les bébés ont besoin pour pouvoir se socialiser, en particulier d’une très grande qualité des rencontres individuelles" et les mesures envisagées sont "contraires à tout ce qu’on a appris", estime-t-il.
"Il ne suffit pas de plonger un enfant dans une crèche pour que la socialisation soit faite" et "il est très important de maintenir la qualification des personnes et le ratio adultes/enfants", ajoute le Pr Golse, qui estime aussi que le gouvernement a d’abord un "souci d’économies".
Pour Agnès Florin, professeur de psychologie de l’enfant à l’université de Nantes, ce ratio "est un indicateur fort de la qualité de l’accueil" et il est très important pour le "développement cognitif" de l’enfant.
Et même, comme les enfants ont tous des besoins différents, "le ratio devrait être amélioré pour un meilleur accueil des enfants et des familles qui nécessitent une attention particulière", écrit Hubert Montagner, ancien directeur du laboratoire de psycho-physiologie de la Faculté des Sciences de Besançon, dans l’ouvrage collectif "L’école à deux ans : est-ce bon pour l’enfant ?" (Ed. Odile Jacob).
Actuellement, il faut au minimum un adulte pour veiller sur cinq bébés ou huit enfants qui marchent, des chiffres que le décret ne modifie pas. Mais en permettant d’accueillir ponctuellement davantage d’enfants, le projet "déroge de fait" à cette obligation de temps à autre, estime le Pr Golse.
"Le décret met à mal les compétences et la professionnalisation des soins aux tout petits", juge aussi la psychologue Danielle Rapoport, même si elle reconnaît que le texte peut "répondre aux besoins des parents".
Le décret contribue à "ouvrir une sorte de brèche pour réduire sensiblement la qualité des conditions d’accueil", renchérit Agnès Florin, qui y voit elle aussi "une régression".
Pour elle, les jardins d’éveil que veut également créer le gouvernement "vont dans le même sens" d’une "moindre qualité". Structure intermédiaire entre la crèche et la maternelle pour les 2/3 ans, leur taux d’encadrement se situe "dans une fourchette de 8 à 12 enfants" par adulte, selon un document du ministère du Travail.
Plus globalement, les spécialistes appellent à une politique de la petite enfance plus ambitieuse.
"La lutte contre les inégalités à partir de l’école est insuffisante", estimait ainsi récemment dans Le Monde le sociologue Alain Ehrenberg, directeur de recherche au CNRS.
Selon lui, "pour être efficace, elle doit commencer beaucoup plus tôt : c’est tout le sens d’une politique d’investissement dans l’accueil collectif des 0-3 ans, qui est un moyen très efficace de lutte contre les inégalités sociales".