Contrairement aux affirmations des responsables du laboratoire Servier, les récentes perquisitions faites au siège du groupe ont permis de savoir que des essais cliniques ont été bel et bien effectués sur des "cobayes humains" pour tester l’effet anorexigène du Mediator. Une nouvelle pièce à charge donc qui pourrait peser lourd lors du premier procès pénal prévu le 14 mai.
Selon une information rapportée par Le Journal du Dimanche, des documents qui prouvent les tests effectués sur des personnes en surpoids afin de démontrer l’effet coupe-faim du Mediator ont été découverts au siège du laboratoire Servier.
L’un des trois rapports médicaux, se référant à des essais cliniques réalisés entre 1968 et 1973, indique que "le 780 SE (Mediator) peut être considéré comme un anorexique des plus satisfaisants et mérite d’être retenu comme adjuvant des plus précieux dans le traitement de l’obésité". Ceci, après des tests cliniques réalisés sur 64 sujets en surcharge pondérale en 1971.
Un deuxième document rédigé un an et demi plus tard atteste que l’"introduction de ce produit (le 780 SE) nous paraît un progrès certain dans la thérapeutique de l’obésité", après expérimentation sur 31 autres patients obèses.
Mais trois ans auparavant, ce produit 780 SE, qui n’est autre que le fameux Mediator, aurait été testé lors des "cures d’amaigrissement" avec "62,5% d’excellents résultats", toujours selon des pièces retrouvées chez ce groupe pharmaceutique.
Aussitôt ces informations révélées au grand jour par l’hebdomadaire, les responsables au sein du laboratoire Servier ont démenti les affirmations de JDD.
"Contrairement à ce qui est écrit, les laboratoires Servier n’ont jamais caché avoir fait des essais cliniques pour tester l’effet anorexigène du Mediator", ont-ils souligné dans un communiqué.
"C’est justement l’analyse des essais dans leur globalité qui n’ont pas permis de conclure à l’activité anorexigène chez l’homme", ont-ils fait valoir en rappelant au passage que les "essais commentés par le JDD ont été mis à disposition des enquêteurs, comme beaucoup d’autres documents démontrant le contraire et sur lesquels ils ont demandé à être interrogés par les juges d’instruction" .
Servier admet le fait que l’administration de Mediator chez les patients ont permis "une perte de poids " qui a été cependant bien "modeste" car elle était seulement d’1,5 kg en moyenne alors que "par définition", un véritable médicament anorexigène devrait permettre à un sujet de perdre 10% de son poids.
Ainsi, pour Me Hervé Temime, avocat de Jacques Servier, le fondateur du groupe, si le laboratoire Servier avait eu entre les mains un coupe-faim d’une telle efficacité, dans les années 1970, il n’aurait pas hésité à le mettre sur le marché.
Faut-il cependant rappeler que si à l’origine, le Mediator, devait être prescrit à des patients diabétiques afin de les aider à éliminer les excès de graisses dans leur sang, il a été plutôt indiqué comme coupe-faim par de nombreux médecins. Notamment en raison de la présence du benfluorex, une molécule aux effets anorexigènes que ce médicament contenait.
Ayant provoqué des graves lésions au niveau des valves cardiaques de plusieurs des patients sur lesquels Mediator avait été prescrit, et en raison de 500 à 2.000 décès qui peuvent en être imputables, il a été retiré du marché en 2009.
Quant à Jacques Servier, il a été mis en examen en septembre dernier pour "obtention indue d’autorisation, tromperie sur les qualités substantielles d’un produit, avec mise en danger de la vie de l’homme et escroquerie", rappelle le JDD.
Le premier procès pénal dans l’affaire Mediator a été fixé pour le 14 mai au 6 juillet au tribunal correctionnel de Nanterre.