Fin du suspense. L’âge légal de la retraite sera porté à 62 ans en 2018 contre 60 actuellement, en l’augmentant chaque année de quatre mois à partir du 1er juillet 2011. Le ministre du Travail Éric Woerth l’a annoncé mercredi matin, dans un discours très attendu et au cours duquel il a fait de la réforme une histoire de "morale", de "responsabilité" et de "justice".
Les mesures annoncées par Eric Woerth ne sont toutefois pas définitives. Dans un communiqué diffusé mardi soir, Nicolas Sarkozy a en effet indiqué qu’il laisse jusqu’à la fin de la semaine au ministre du Travail pour "recueillir les remarques et suggestions des partenaires sociaux" sur ce texte. Ainsi complété, le projet sera présenté le 13 juillet en conseil des ministres, avant d’arriver au Parlement en septembre. Où il n’est pas exclu que son contenu évolue encore.
Voici les principales annonces d’Eric Woerth :
Âge légal
Pour le ministre du Travail, "relever l’âge légal à 62 ans en 2018 est une position à la fois raisonnable et efficace". L’augmentation de l’âge légal sera "progressive pour ne pas bouleverser les projets de vie des Français proches de la retraite", mais "générale" car "le gouvernement a fait le choix d’acter dans la même réforme, celle de 2010, le relèvement de l’âge dans le privé, le public et les régimes spéciaux", selon Eric Woerth.
Fonctionnaires
Le relèvement de l’âge de départ en retraite des fonctionnaires, aujourd’hui fixé à 60 ans, se fera à raison d’un quadrimestre par an jusqu’à 62 ans. Le premier relèvement interviendra le 1er juillet 2011 pour les fonctionnaires nés en 1951. Par ailleurs, trois mesures de "convergences" entre le secteur public et privé ont été annoncées par Eric Woerth, qui a bien précisé ne pas vouloir "céder à la caricature" sur ce sujet.
- Le taux de cotisation de retraite des fonctionnaires sera aligné en 10 ans sur celui du privé, le faisant passer de 7,85 % à 10,55 %.
- Le dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant 15 ans de service sera fermé dès 2012. Seuls les parents ayant déjà trois enfants en 2012 pourront encore bénéficier de ce dispositif, qui concerne en majorité les femmes.
- Enfin, les règles d’obtention du "minimum garanti" de pensions seront les mêmes dans le public et le privé. Pour obtenir ce minimum garanti, les fonctionnaires devront avoir tous leurs trimestres ou attendre l’âge d’annulation de la décote (âge du taux plein).
Pénibilité
L’augmentation de l’âge légal "sera juste parce que les 60 ans resteront l’âge de départ à la retraite de ceux qui sont usés par le travail", a précisé Eric Woerth, notant que les dispositifs "carrières longues" et pénibilité permettront à "60.000 personnes par an qui ont eu une vie professionnelle plus dure que les autres (de) partir à la retraite avant les autres en 2011, et 100.000 en 2015".
Le dispositif "carrières longues", "qui a constitué une avancée sociale considérable de la réforme Fillon, sera poursuivi et même élargi aux salariés qui ont commencé à 17 ans", ce qui représente "un effort financier important, puisqu’elle conduira 50.000 personnes par an à ne pas être concernées par la retraite à 62 ans et 90.000 personnes en 2015", a-t-il détaillé. Cette mesure est "sans équivalent en Europe", selon lui.
Quant à la prise en compte de la pénibilité des salariés dont l’état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs, qui garderont la retraite à 60 ans, à taux plein quel que soit leur nombre de trimestres, le ministre a souligné qu’"il s’agit d’un droit nouveau dans le système de protection sociale français et d’une avancée sociale majeure".
Jeunes
"Les jeunes en situation précaire bénéficieront de trimestres validés supplémentaires lorsqu’ils sont au chômage non indemnisé. Aujourd’hui, ils peuvent valider jusqu’à 4 trimestres d’assurance au titre de la première période de chômage non indemnisé. Le gouvernement propose de porter le nombre de trimestre validés à 6", a détaillé le ministre.
Femmes
"Nous devons encore agir pour améliorer les retraites des femmes. Nous avons fait des progrès majeurs dans ce domaine. L’écart de pensions s’est réduit et aujourd’hui les femmes ont au moins autant de trimestres que les hommes", a noté Eric Woerth. Il faut encore selon lui "empêcher que le congé maternité ne fasse chuter la pension de retraite", ce qui "nécessite, contrairement à aujourd’hui, que l’indemnité journalière perçue pendant le congé maternité entre désormais dans le salaire de référence sur lequel sera calculée la pension de retraite".
En outre, il faut "lutter plus activement contre les inégalités salariales au cours de la carrière". "Les entreprises ne s’investissent franchement pas suffisamment dans la réduction des écarts salariaux tout au long de la carrière", d’après Eric Woerth. "Depuis 27 ans, les entreprises de plus de 300 salariés doivent faire un diagnostic de la situation comparée des femmes et des hommes. Seule une entreprise sur deux fait effectivement ce rapport", a-t-il souligné. "Le gouvernement a donc décidé de prévoir un dispositif de sanction de l’absence de diagnostic de situation comparée", a-t-il conclu.
Seniors
"Une aide à l’embauche d’un an pour les chômeurs de plus de 55 ans" a été annoncée par Eric Woerth afin de favoriser l’emploi des seniors. La réforme prévoit aussi "le développement du tutorat, pour assurer une transmission des savoirs au sein de l’entreprise et favoriser une fin de carrière plus valorisante pour les seniors", a-t-il déclaré. "L’augmentation de l’âge légal va permettre d’améliorer le taux d’emploi des seniors", a-t-il jugé, car "à partir du moment où les paramètres de la retraite changent, la conception même que les entreprises ont des salariés âgés change également".
En outre, le ministre veut améliorer la "connaissance des règles en matière de retraite". "Une bonne retraite nécessite de pouvoir faire les bons choix et au bon moment. C’est la raison pour laquelle nous allons notamment créer un "point d’étape individuel retraites" à 45 ans", a-t-il annoncé. Ce point se fait actuellement autour de 55 ans.
Agriculteurs
L’avant-projet de réforme des retraites du gouvernement comporte "deux mesures importantes" en faveur des agriculteurs. La principale mesure, a dit le ministre, "vise à faciliter l’octroi du minimum vieillesse (709 euros pour un célibataire) aux agriculteurs et éviter ainsi que certains d’entre eux n’aient des pensions de retraite de 300 ou 400 euros par mois : les terres agricoles et les corps de fermes ne feront plus l’objet d’un recours sur succession, ce qui répond à une demande très ancienne de la profession.
En outre, la condition de durée comme exploitant pour accéder à la revalorisation des pensions de retraite agricole les plus modestes sera supprimée, "ce qui permettra notamment à de nombreuses femmes ayant occupé successivement les statuts de conjoint et d’exploitant d’y accéder", précisent ces documents. Enfin, le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire du régime agricole sera ouvert aux conjoints collaborateurs d’exploitation et aux aides familiaux, qui en sont exclus actuellement.
Recettes
Le gouvernement veut trouver 3,7 milliards d’euros de nouvelles recettes en 2011 pour financer les retraites, en créant notamment un prélèvement de 1 % sur la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu (qui sera portée à 41 %), qui ne sera pas pris en compte dans le bouclier fiscal. Il entend également relever plusieurs taxes sur le capital, dont celles sur les plus-values mobilières et immobilières et le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et intérêts.
Le projet prévoit aussi une augmentation du prélèvement sur les stock-options, pour des recettes nouvelles de 70 millions en 2011 : la contribution sociale payée par le bénéficiaire sera triplée à 8 % et celle versée par l’employeur passera de 10 à 14 %. Comme annoncé mardi, les retraites-chapeaux seront davantage taxées, ce qui rapportera 110 millions d’euros l’an prochain. Enfin le gouvernement entend "annualiser" le calcul des allègements de charges dont bénéficient les employeurs, jusqu’ici calculées mensuellement, afin de les réduire de deux milliards d’euros.
Équilibre
"L’objectif n’est pas simplement une réduction du déficit, mais d’un rééquilibrage des régimes de retraite dès 2018" a précisé Eric Woerth mercredi matin. Outre les réformes annoncées, ce scénario repose sur les hypothèses suivantes : retour au plein emploi à l’horizon 2024 avec un taux de chômage de 4,5 % à cette date, et croissance de la productivité du travail de 1,5 % à long terme. En 2010, le déficit du régime des retraites doit s’élever à 32,3 milliards d’euros et en l’absence de toute réforme devait filer à 42,3 milliards en 2018.