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- "J’ai été témoin de la vitesse à laquelle le virus se propage d’élève à élève", par Frank Lefort
Je suis enseignant dans un collège de la périphérie de Nouméa, et j’ai été témoin de la vitesse à laquelle le virus se propage d’élève à élève, de classe en classe. Les gestes "barrières" systématiques, – lavage fréquent des mains, mouchoirs en papier –, sont probablement efficaces mais difficiles à mettre en œuvre dans un environnement qui favorise la promiscuité. D’ailleurs, puisque nous devons repérer les élèves présentant des symptômes grippaux – essentiellement de la toux – afin de les envoyer à l’infirmerie, il aurait été utile que chaque enseignant ait à sa disposition un petit stock de masques, afin de limiter rapidement la contamination au sein de la classe.
Enseignante en lycée, j’ai dû demander à plusieurs élèves d’aller voir l’infirmière scolaire. Leurs parents travaillent, ils les envoient au lycée même malades. La plupart ont la grippe A. Même des collègues malades viennent au lycée, risquant ainsi de contaminer les autres. Il n’y a pas de savon dans les toilettes des élèves pour se laver les mains. Plusieurs malades m’ont parlé de sérieuses difficultés respiratoires et de très fortes fièvres. Dans ce contexte, la mort de deux personnes sans antécédent médical devient un peu plus angoissante.
- "L’épidémie s’est très rapidement propagée en dépit des avertissements", par Guillaume Guerdoux
Ayant moi-même été touché par la grippe A et résidant en Nouvelle-Calédonie, je peux parler de ma propre expérience. Il est vrai que l’épidémie s’est très rapidement propagée en dépit des avertissements et des campagnes de prévention du gouvernement. Le schéma habituel débute par la transmission entre enfants, qui eux-mêmes transmettent le virus aux parents, qui le propagent à leur tour sur leur lieu de travail.
Autant dire que si on ne se désinfecte pas les mains toutes les dix secondes et qu’on ne respire pas sans masque, il y a peu de chances d’être épargné. Pour avoir eu le virus, je ne l’ai pas trouvé plus méchant qu’une grippe classique, à part un "pic" de 24 heures avec de grosses poussées de fièvre. Le régime classique est 48 à 72 heures d’arrêt maladie, on sent l’activité économique ralentie, mais rien de catastrophique. On ne peut plus mettre les gens contaminés en quarantaine car ils sont trop nombreux, du coup les malades sont assignés à résidence et doivent porter des masques s’ils sont amenés à sortir de chez eux, ce qui est préférable pour limiter la contagion.
Je suis infirmière libérale sur l’île de Lifou. Je suis tous les jours en contact direct avec la population locale, il n’y a pas ici de phénomène de psychose comme je peux le voir dans les médias. Ce week-end nous avons eu un premier décès sur Lifou mais nos habitudes n’ont pas changé. Nous restons tous vigilants quand une personne présente des signes de syndrome grippal, mais depuis le début de l’épidémie, que ce soit ici ou à Nouméa, je n’ai jamais porté de masque et je pense que respecter les règles d’hygiène générale suffit. Je regrette que cette surmédiatisation provoque une surconsommation de matériel et de médicaments (masque, Tamiflu, gel pour les mains), et par conséquent des ruptures de stock.
- "Les consignes données sont simples et utiles", par Anne Obry
Des centres d’accueil pour le dépistage ont été mis en place, je m’y suis présentée après deux jours de forte fièvre et de courbatures. On m’a renvoyée vers mon médecin traitant, qui n’a pu me prescrire que du paracétamol et du repos. Deux jours après des difficultés respiratoires sont apparues, et sur les conseils de mon médecin je me suis présentée à nouveau dans un des centres.
On m’a offert des masques pour la période où je serais encore contagieuse et conseillé de me reposer le plus possible et de bien m’alimenter. J’ai eu la chance d’avoir une semaine supplémentaire pour me reposer, car étant contagieuse, mon fils ne pouvait pas être accueilli dans sa crèche (mesure sanitaire prise par le gouvernement local). Je travaille dans une administration, des masques sont à notre disposition et à ce jour aucun de mes six collègues avec lesquels je partage l’open space n’a été touché.
Les consignes données sont simples et utiles : éviter les contacts physiques avec son entourage, se laver les mains régulièrement, aérer son espace de vie et de travail, port du masque pour les personnes à risques...
- "Sans dépistage, la psychose s’installe !", par Guillaume Boyer
Dans les premiers jours de l’épidémie, le dépistage des malades était systématique. Devant le nombre croissant de personnes présentant des symptômes grippaux, les prélèvements destinés à identifier quel type de grippe le malade avait contracté ont été abandonnés. Aussi tous les malades se sont vu prescrire du Tamiflu, et la psychose s’est installée ! Sans doute qu’en ayant le nombre exact de personnes touchées par le H1N1 nous pourrions évoquer plus sereinement le sujet. Aujourd’hui, on entend tous les jours qu’un voisin, un ami ou un collègue de travail a la grippe, mais laquelle ?