La défense d’Air France a imputé lundi à Continental Airlines l’entière responsabilité du crash du Concorde qui a fait 113 morts il y a dix ans à Gonesse (Val-d’Oise), réclamant à la compagnie américaine 15 millions d’euros de dommages et intérêts.
PONTOISE (AFP) - La défense d’Air France a imputé lundi à Continental Airlines l’entière responsabilité du crash du Concorde qui a fait 113 morts il y a dix ans à Gonesse (Val-d’Oise), réclamant à la compagnie américaine 15 millions d’euros de dommages et intérêts.
Pendant ses 24 années d’exploitation, jusqu’à l’accident du 25 juillet 2000, "Concorde a transporté 1.414.292 passagers. Si la fameuse lamelle n’avait pas fait exploser un pneu, il n’y aurait pas eu de victimes du tout !", a lancé l’avocat d’Air France, Me Fernand Garnault, en ouvrant les plaidoiries des parties civiles devant le tribunal correctionnel de Pontoise.
Pour les conseils de la compagnie française, exploitante du Concorde qui s’était écrasé à son décollage de Roissy, la "culpabilité" de la compagnie américaine ne fait "aucun doute" : c’est bien une lamelle de titane, perdue par un DC10 de Continental Airlines ayant décollé quelques minutes avant le Concorde, qui a provoqué l’accident.
Il parait "au niveau statistique, pratiquement inconcevable", qu’un pneu du supersonique ait précisément roulé sur cette lamelle, a reconnu Me Garnault, pour mieux balayer les objections que ne manqueront pas de soulever les avocats de la compagnie américaine.
Mais "quelqu’un qui aurait fabriqué une bombe ayant explosé au moment où les victimes étaient là par le plus grand des hasards, ne va-t-on pas le condamner pour homicide involontaire ?", a-t-il argumenté.
En réparation des préjudices subis du fait de l’accident, Air France réclame 15 millions d’euros, ont détaillé ses avocats. Soit "trois fois cinq millions d’euros", au titre de l’atteinte à son image et à sa réputation, du traumatisme de son personnel dû à la perte de l’équipage et des passagers et du préjudice de "dénigrement".
Durant le procès, la défense de Continental Airlines a en effet mis en cause de façon répétée la maintenance des Concorde par Air France et la préparation du vol en question.
L’indemnisation du préjudice économique de la compagnie française fait l’objet d’une action séparée devant le tribunal de commerce de Pontoise, qui a sursis à statuer jusqu’à la fin de la procédure pénale.
La défense d’Air France a en revanche exonéré les personnes physiques qui comparaissent comme prévenus au procès.
Les deux employés américains de Continental Airlines, poursuivis pour avoir mal effectué et contrôlé la réparation de la lamelle incriminée, ont été décrits comme des "lampistes". "C’est Continental qui doit être blâmé pour son erreur manifeste", a estimé Me Garnault.
Les trois prévenus français - ex-cadres du constructeur Aérospatiale et de la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) - poursuivis pour ne pas avoir tiré les leçons des incidents antérieurs, doivent également échapper à toute condamnation pénale, a-t-il poursuivi. Car "Air France est convaincue de l’imprévisibilité" de l’accident.
"Comment peut-on reprocher à ces gens-là de ne pas avoir pris les précautions qu’il fallait, alors que dix ans après, on ne sait pas comment le feu a pris et comment il s’est propagé", a argumenté l’avocat.
Un sentiment que n’a pas partagé Me Roland Rappaport, avocat de la famille du commandant de bord Christian Marty et de deux syndicats de navigants.
"Concorde était affecté d’une faiblesse qu’il fallait traiter, au besoin en arrêtant son exploitation. Personne ne l’a fait", a-t-il regretté.
Les plaidoiries des parties civiles doivent se poursuivre jusqu’à mercredi, avant les réquisitions. Le procès entamé il y a trois mois et demi s’achève le 28 mai et le jugement devrait être mis en délibéré à la fin de l’année.