Malgré la venue d’une délégation de parlementaires turcs et de manifestants non loin du palais Bourbon, l’Assemblée nationale a adopté ce jeudi le texte réprimant la contestation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915. Votée à main levée, cette proposition de loi a été adoptée par une très large majorité de la cinquantaine de députés présents à l’Assemblée, seule une demi-douzaine a voté contre selon le Télégramme.
Bien que des milliers de personnes, notamment des parlementaires turcs, soient venus manifester devant l’Assemblée depuis ce matin, les députés ont adopté à une large majorité le texte pénalisant la négation des génocides dont celui des arméniens en 1915.
Devant une cinquantaine de députés, Valérie Boyer, la députée UMP des Bouches-du-Rhône à l’origine de la proposition, a défendu son texte. « Je m’étonne qu’à l’heure où la Turquie frappe aux portes de l’Europe, ce grand pays incite ses ressortissants à manifester en France contre un texte qui est une transposition du droit européen, droit européen qui vise à faire en sorte que les personnes qui nient les génocides puissent être sanctionnées », a-t-elle lancé.
Cette proposition de loi stipule que toute personne niant publiquement l’un des deux génocides reconnu par la loi française, sera sanctionnée d’un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Jusqu’ici, la négation du génocide des Juifs pendant la seconde guerre mondiale était la seule à être punie par la loi.
Le gouvernement a soutenu ce texte mais n’a pas cependant appelé explicitement les députés à le voter. « Le gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée » a seulement déclaré Patrick Ollier, ministre des relations avec le Parlement, à la tribune de l’Assemblée. Pour ainsi dire qu’il accepterait le résultat des votes, que ce soit négatif ou positif. Il a toutefois expliqué qu’« il ne s’agit pas d’un texte de loi mémorielle, il s’agit d’un texte de coordination juridique qui tire les conséquences d’un vide dans notre droit ».
Pour sa part, le socialiste Dominique Raimbourg, a estimé que cette proposition de loi est la « suite logique » de la loi de 2001 qui reconnait le génocide arménien. En revanche, il n’a pas manqué de soulever que le débat « n’était peut-être pas de nature à apaiser les passions à quelques mois de l’élection présidentielle ».
Michel Diefenbacher, député UMP et président du groupe d’amitié France-Turquie, a été contre ce texte. « Que dirions-nous, nous Français, si un autre pays venait nous dire ce qu’il faut penser du massacre des Vendéens sous la Convention et nous menacer de sanctions si nous pensions autrement ? », s’est-il rétorqué.
Depuis ce matin, près de 4 000 manifestants étaient amassés sur la place du président Edouard-Herriot, les accès menant à l’Assemblée nationale ayant été tous bloqués par les CRS. Sur les pancartes des manifestants à majorité jeunes, on pouvait lire « l’histoire ne doit pas servir la politique », « le débat historique n’est pas le débat politique » ou encore « la pêche aux voix ne doit pas se faire sur l’histoire d’un pays », dénonçant un coup propagandiste de la part de Nicolas Sarkozy.
Ankara avait déjà menacé la France que l’adoption de ce texte aurait des « conséquences irréparables » sur la relation diplomatique des deux pays. Ainsi, à l’annonce de la nouvelle, la Turquie a aussitôt décidé de rappeler son ambassadeur en poste à Paris.
Ce texte doit encore passer aux mains des sénateurs. Cependant, rien n’assure qu’il sera adopté définitivement par le Parlement avant la fin de la législature, qui prendra fin en février prochain, en raison des échéances électorales.