Les cinq tableaux dérobés jeudi au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, lors d’un vol qui suscite bien des questions sur le système de sécurité, pourraient valoir quelque 200 millions d’euros selon des experts et restent à coup sûr invendables vu leur notoriété.
PARIS (AFP) - Les cinq tableaux dérobés jeudi au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, lors d’un vol qui suscite bien des questions sur le système de sécurité, pourraient valoir quelque 200 millions d’euros selon des experts et restent à coup sûr invendables vu leur notoriété.
Tous les experts interrogés par l’AFP sont d’accord : "ces tableaux volés sont connus, répertoriés et ne pourront jamais aller sur le marché. Ils sont invendables".
Côté vulnérabilité de la surveillance, le maire de Paris Bertrand Delanoë a reconnu jeudi qu’un "dysfonctionnement partiel" du système d’alarme dans une partie du musée avait été constaté fin mars. Mais, vendredi, Christophe Girard, adjoint PS au maire de Paris chargé de la Culture, a affirmé que ni la mairie de Paris, ni le directeur du Musée d’art moderne de la ville n’en avaient été informés.
M. Girard a déploré que "malgré la présence de trois gardiens, une intrusion puisse se faire et qu’on puisse déjouer la vidéosurveillance". De source proche de l’enquête, ces images sont de plus de qualité médiocre et difficilement exploitables.
Selon la mairie de Paris, jeudi, "la valeur des toiles est estimée entre 90 et 100 millions d’euros".
"La somme de 100 millions d’euros me semble ridicule, même s’il est difficile de s’exprimer sans avoir vu les oeuvres. Les toiles volées sont des tableaux importants du début du XXe, de grands maîtres comme Picasso, Matisse ou Modigliani", a confié vendredi Agnès Sevestre-Bardé, expert en oeuvres d’art.
Ainsi, parmi les pièces dérobées, "La Pastorale" d’Henri Matisse (1905) est "un tableau super important de la période fauve de l’artiste", a-t-elle ajouté. "La femme à l’éventail" (1919) de Modigliani est un tableau "très connu et magnifique. Rien que celui-là vaudrait au moins 20 millions d’euros, et sans doute beaucoup plus...", a assuré l’expert.
"Des deux Modigliani, c’est le plus cher, le plus beau des deux qui a été emporté", a remarqué vendredi Christophe Girard, qui a estimé les auteurs du vol "très informés, très déterminés".
Le "Pigeon aux petits pois" de Picasso, une toile cubiste de 1911, "correspond également à une période recherchée de l’artiste", a relevé Mme Sevestre-Bardé.
Ce tableau n’est pas aussi exceptionnel que le "Nu au plateau de sculpteur" (1932), vendu début mai plus de 106 millions de dollars par Christie’s, mais "un Picasso de la période de celui volé jeudi atteint en général de 40 à 50 millions d’euros", a estimé vendredi un autre expert, Guy-Patrice Dauberville.
"Je dirais à peu près la même chose pour un Matisse. Et un Braque de 1906 comme +L’Olivier près de l’Estaque+ n’en serait pas loin", a-t-il poursuivi.
"A la louche, la valeur de l’ensemble des tableaux volés tournerait autour de 200 millions d’euros, en étant très raisonnable", a-t-il ajouté.
Il y a deux sortes d’estimation d’une oeuvre, explique Michel Maket, un autre expert : la "valeur de réalisation", utilisée dans les partages, les successions etc. et la "valeur de remplacement", qui concerne les assurances et est en général supérieure à celle du marché.
Côté assurances, justement, le patrimoine des musées municipaux et nationaux n’est que très rarement assuré, sauf en cas de prêt, pour des raisons évidentes de limites budgétaires.
Et quand on parle de possible "chantage à l’assurance, c’est en fait de chantage à l’Etat, ou en l’espèce à la Ville de Paris, qu’il faudrait parler puisque ce sont eux qui se portent garants des collections publiques", précise M. Dauberville.
Selon M. Maket, "le fait de ne pas les assurer, c’est aussi une forme de garantie. Si elles l’étaient, cela pourrait multiplier les tentatives de racket".