Hier, Le Figaro a publié des extraits des auditions des anciens chercheurs des laboratoires Servier, fabricants du Mediator. Il est ressorti que le groupe a caché la vraie nature de son médicament pour pouvoir le commercialiser. On a ainsi fait passer pour un antidiabétique un coupe-faim en puissance.
Le groupe Servier " a menti ", selon Le Figaro qui a consulté les interrogatoires des anciens salariés de Servier, qui ont été entendus cet été par les juges de Toulouse.
Le premier à avoir été interrogé est le Pr Jacques Duhault, âgé de 79 ans. Le 6 juillet, ce pharmacologue retraité, l’un des découvreurs du Mediator en 1966, a confié aux magistrats que les laboratoires Servier ont dissimulé les vertus coupe-faim du Mediator pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché en 1973. " Dans les années 60, la règle de base en matière de recherche était de trouver une molécule aboutissant à une diminution de prise alimentaire sans avoir d’effet stimulants centraux ", déclare-t-il aux enquêteurs. Dans son rapport daté de 1970, Jacques Duhault, qui a travaillé chez Servier de 1961 à 2000, a qualifié le Mediator de " puissant anorexigène ". Mais malgré ses mises en garde, le chercheur n’a pas été écouté.
Un autre ancien employé de Servier, le Pr Jean Charpentier, âgé de 81 ans, a été convoqué le 28 juillet dernier par le parquet de Toulouse, chargé des instructions sur l’affaire Mediator. Ce neurochirurgien recruté par Servier en 1968 avait été chargé des études toxicologiques du médicament. Interrogé par les magistrats, il s’est dit " beaucoup étonné de voir le Mediator sortir comme antidiabétique car ça n’a rien à voir sur le plan expérimental, ni sur le plan clinique. C’est vrai, il diminue la faim ".
" Il n’y a pas de propriété pour le diabète mise en évidence à l’époque. Le choix du diabète s’explique car c’est un domaine infiniment plus rentable pour les labos ", avoue le Pr Charpentier, dont les témoignages risquent de fragiliser gravement la défense de Servier qui soutient que le Mediator n’était pas un coupe-faim mais un antidiabétique.
Un autre ancien chercheur du groupe évoque dans un rapport les effets coupe-faim du médicament. Le Pr Henri Schmitt avait écrit le 9 mai 1967 que le Mediator pourrait s’avérer inefficace sur le système nerveux en cas de doses supérieures "aux doses anorexiantes".
Le Figaro qui a eu accès à ces auditions accablantes s’indigne de constater qu’" à aucun moment le terme anorexigène n’est évoqué (par Servier). Les conclusions des scientifiques faisant état de propriétés coupe-faim ont systématiquement été passées sous silence par le laboratoire ".
Le laboratoire Servier, accusé d’être le seul responsable direct du scandale Mediator, a donc préféré taire la vraie nature de son médicament pour des raisons commerciales, au grand dam des patients. " Le mot amphétamine était à éviter pour présenter un dossier à l’AMM ", assure le Pr Charpentier. " Ç’a été fait dans le but d’avoir l’autorisation de mise sur le marché ", insiste-t-il.