A la lueur de la crise grecque, la France va devoir bientôt présenter des mesures crédibles pour résorber ses propres déficits, tout en faisant attention à ne pas casser la reprise naissante, estiment des économistes.
PARIS (AFP) - A la lueur de la crise grecque, la France va devoir bientôt présenter des mesures crédibles pour résorber ses propres déficits, tout en faisant attention à ne pas casser la reprise naissante, estiment des économistes.
Alors que les déficits publics français ont atteint des sommets et que la conférence sur le sujet, voulue par le chef de l’Etat, aura vraisemblablement lieu le 20 mai, la France promet de renverser la tendance.
"Nous allons être, pour la loi de finances 2011, exemplaires dans la détermination à tenir nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens et à produire une réelle inflexion des déficits publics", a assuré mercredi le ministre du Budget, François Baroin.
Bruxelles a légèrement revu ses prévisions de déficits publics (Etat, sécurité sociale, collectivités locales) pour la France, qui devraient s’établir à 8,0% du Produit intérieur brut (ensemble des richesses produites dans un pays) cette année et 7,4% en 2011, soit un peu mieux que ses précédentes estimations (respectivement 8,2% et 7,7%).
Elle reste toutefois plus pessimiste que la France, qui compte réduire ses déficits à 6,0% du PIB en 2011 et revenir à la limite autorisée des 3% dès 2013.
François Baroin a encore insisté sur la grande "détermination" du pays à tenir cet engagement.
Mais la Commission des Finances du Sénat semble perplexe : la France n’a jusqu’ici jamais tenu ses promesses en matière de réduction des déficits, a souligné mercredi Philippe Marini, son rapporteur général (UMP).
Or au vu de la crise grecque, la France "prend un risque majeur" si elle continue dans cette voie, a-t-il ajouté. Cette crise a au moins le mérite, selon lui, de contribuer à une "prise de conscience".
"Ca met la pression sur la France pour qu’elle contrôle mieux ses déficits", renchérit Christian Saint-Etienne, professeur à l’université Paris-Dauphine.
Selon lui, il va falloir faire des "efforts très significatifs" pour ne pas risquer de perdre la confiance des marchés. Et de citer une "ambitieuse réforme des retraites", ou la baisse des dépenses des collectivités locales.
"Si on fait les réformes maintenant, cela coûtera beaucoup moins cher que dans un an", plaide-t-il, faisant référence aux marchés financiers, sur lesquels il est devenu prohibitif pour la Grèce d’emprunter.
Mais plusieurs économistes mettent en garde contre une cure d’austérité qui aurait pour conséquence de briser une croissance qui peine à repartir.
"On est plutôt dans une situation de croissance molle et si on s’attaque trop fortement aux déficits et à la dette, on risque de rogner cette croissance", prévient Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
"Si comme en Grèce on engage des mesures d’austérité trop importantes, la pilule aura du mal à passer", prévient Alexander Law, chez Xerfi.
"La stratégie optimale serait d’attendre un peu pour engager une politique de rigueur, même si les marchés veulent des signaux forts", estime de son côté Philippe Martin, professeur à Sciences-Po.
L’économiste suggère notamment que le Parlement puisse se saisir de la question et que soit inscrite dans la loi l’obligation de dégager des excédents en période de croissance soutenue.
Pour la Commission des Finances du Sénat, les prévisions que la France transmet à Bruxelles devraient faire chaque année "l’objet d’un débat au Parlement", suivi d’un vote.
L’idée d’inscrire dans la Constitution, à l’instar de l’Allemagne, une limitation des déficits, semble en revanche difficile à réaliser.
"Une norme c’est très bien, mais la volonté et la capacité de la mettre en oeuvre, c’est quand même cela l’essentiel", a estimé Philippe Marini.