En déplacement sur le département afin de participer à des conférences-débat, Marie-France Hirigoyen lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes. Pour son premier livre "Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien" publié en 1998, Marie-France Hirigoyen a inventé le terme de harcèlement moral, malheureusement devenu courant. Psychothérapeute, psychologue et victimologue, elle explore toutes les faces de la violence psychologique.
Vous avez de nombreuses casquettes. Vous êtes psychiatre, psychologue, victimologue. Vous parlez de la violences sous toutes ses formes. A la Réunion, 15% des femmes sont victimes de violences contre 9% en métropole, que pensez-vous de ce chiffre ? Devant la Cour d’assises, deux hommes ont été condamnés cette semaine pour agressions sexuelles et tentative d’assassinat. Toutes ces affaires judiciaires vous étonnent-t-elles ?
Marie-France Hirigoyen : Je trouve que les chiffres sont effectivement importants mais ce sont des violences qui sont dénoncées. Cela montre que les femmes osent porter plainte et s’il y a un jugement, c’est qu’il y a une répression qui existe. C’est important quand même, il ne faut pas être trop alarmiste. Mais cela veut dire aussi qu’il un travail d’éducation à faire et de la prévention à mettre en place.
Selon vous, il n’y a pas plus de passages à l’acte à la Réunion qu’en métropole ?
Marie-France Hirigoyen : Apparemment, il y en a un peu plus puisque les chiffres officiels en métropole (quant aux violences faites aux femmes) sont de 9,5%. Je pense qu’il y a une sophistication de la violence : c’est à dire qu’au fur et à mesure qu’une société se développe et s’éduque, la violence est toujours là mais elle se cache beaucoup plus. On a peut-être moins de violences physiques visibles - parce que c’est plus sanctionné - mais on a plus de violences psychologiques et c’est d’ailleurs ce qui a amené le Gouvernement à prendre des mesures. Une loi a été votée récemment sur la judiciarisation de la violence psychologique.
Comment expliquer que le nombre de victimes de violences conjugales à la Réunion, soit supérieur à celui de la métropole ?
Marie-France Hirigoyen : Peut-être que l’une des explications, c’est celle de la taille de l’île. C’est à dire, les conditions géographiques. Dans un certain nombre de cas en métropole : quand il y a des violences, les victimes peuvent partir loin. Ici bien sûr, l’île étant limitée, au fond tout le monde se connaît, et la femme victime de violences ne peut pas aller trop loin, à moins de partir en métropole. Je pense que c’est l’une des explications mais pas uniquement. Il y a beaucoup de choses qui sont faites actuellement dans le cadre des campagnes de communication mais peut-être que cette sensibilisation a commencé un peu plus tard. Je ne voudrais pas qu’on stigmatise une Région plutôt qu’une autre parce que, on le sait, la violence existe partout. Elle est plus ou moins dénoncée dans différents pays. Mais par contre, cette violence existe dans tous les milieux sociaux et peut-être que dans certains milieux, elle est plus visible que d’autres, c’est tout.
Selon vous, est-ce qu’il existe un profil propre aux maris violents ?
Marie-France Hirigoyen : Oui, il y a un peu des profils de maris violents. Je dirais que le profil - le plus inquiétant -, c’est celui des maris, d’hommes qui sont dans un registre de personnalité avec des traits paranoïaques. Ce sont ceux passent à l’acte par jalousie et qui peuvent également tuer leur conjoint et éventuellement leur(s) enfant(s) pour se donner la mort ensuite. Ce sont des individus extrêmement dangereux. Mais il y a aussi tout un tas d’autres profils et évidemment celui des individus pervers, manipulateurs et destructeurs. Mais il y a aussi un autre profil - de jeune hommes - qui n’ont pas été éduqués avec suffisamment de limite. Ces hommes ont une tolérance à la frustration et ont souvent un comportement impulsif. Pour ces individus, on peut faire quelque chose. J’ai appris qu’il y a justement des associations qui travaillent - en particulier dans le Sud -, sur des groupes d’auteurs de violences pour trouver des solutions, pour les former et les aider à changer de comportement.
Ces hommes sont parfois adorables en société mais montrent une autre facette à la maison ?
Marie-France Hirigoyen : Absolument. Ces hommes peuvent être parfaitement charmants à l’extérieur et par conséquent, les femmes ont ensuite du mal à se faire entendre. C’est important de le savoir.
Retrouvez l’intégralité de ce face à face avec Marie-France Hirigoyen ainsi qu’une série de "questions décalées" dans la vidéo ci-jointe.