RFI : Monsieur le président, depuis quelques mois, tout le monde se demande si vous serez candidat ou non à la prochaine élection présidentielle. Quelle décision avez-vous prise ?
Andry Rajoelina : Premièrement, c’est vrai, depuis des mois, Madagascar vit dans la crise politique. Et ce qui est important dans la décision d’un président, et ce qui fait d’un président un vrai homme d’Etat, c’est surtout la bonté et l’honnêteté de ses actes envers ces citoyens et en faveur de sa patrie. C’est pour cette raison que j’ai pris la décision de ne pas me présenter aux prochaines élections présidentielles que nous allons organiser avant la fin de l’année.
RFI : Est-une promesse définitive ? Vous ne changerez pas d’avis…
A.R : C’est une promesse définitive pour pouvoir mener à terme la transition de manière objective. Pour moi, ce qui est important, c’est qu’on puisse organiser des élections en toute neutralité. Je pense que je suis le seul homme à Madagascar à pouvoir organiser ces élections dans la transparence. Et aussi, on a besoin de la garantie de la communauté internationale.
RFI : Avant de prendre cette décision, avez-vous dû convaincre beaucoup de vos partenaires qui vous demandaient de rester ?
A.R : Vous savez, aujourd’hui, cette décision a été vraiment très, très difficile à avaler pour mes partisans, mais je leur ai dit que je poursuivrai et que je resterai toujours à leurs côtés.
RFI : Même si vos partisans reviennent à la charge dans les mois à venir, vous ne changerez pas d’avis !
A.R : Je suis un homme de parole et je ne changerai pas d’avis. Je ne serai pas candidat pour les prochaines élections présidentielles à Madagascar, pour l’intérêt supérieur de la Nation.
RFI : Alors, quel est le calendrier d’ici à l’élection présidentielle ?
A.R : L’objectif du peuple malgache maintenant, qui est fatigué de la crise, est la mise en place de la 4ème République. On a définie la feuille de route : le 12 août 2010, c’est le référendum constitutionnel ; le 30 septembre 2010, les élections législatives ; et le 26 novembre 2010 ; l’élection présidentielle. Mais avant tout cela, il sera organisé un dialogue national, prévus les 27, 28 et 29 mai 2010, qui définira la Constitution de la 4ème République.
RFI : Dans le projet d’accord de Pretoria, il était prévu une Commission électorale nationale indépendante. Est-ce qu’elle va voir le jour ou pas ?
A.R : La Commission nationale électorale indépendante est déjà mise en place. Le peuple malgache est prêt à aller vers les élections. Tout est prêt, tout est ok maintenant. Il suffit d’avancer. Nous avons pris la décision en Conseil des ministres de la convocation des électeurs. Nous sommes dans les temps, dans les règles : 90 jours avant les élections, c’est-à-dire avant le référendum constitutionnel.
RFI : Dans le projet d’accord de Pretoria, il était prévus qu’il ait dans la commission électorale des observateurs des Nations unies, de l’Union africaine, de la Communauté économique de développement d’Afrique australe, La SADC, et de l’Organisation internationale de la Francophonie. Seront-ils prévus ou pas ?
A.R : C’est toujours prévus et nous le souhaitons vivement parce que notre défi aujourd’hui est vraiment d’organiser des élections libres et transparentes et qu’il ait égalité des chances pour tous les candidats. Donc, nous souhaitons vivement la participation des observateurs internationaux pour accompagner Madagascar pendant ces élections à venir et pour l’avènement de la 4ème République.
RFI : Soutiendrez-vous un candidat ?
A.R : Pour le moment, ce qui est important, c’est déjà rétablir la stabilité et la sérénité à Madagascar. Ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Ce qui est important, c’est que j’aie annoncé aujourd’hui que je ne me porterai pas candidat ni aux législatives ni à l’élection présidentielle.
RFI : Est-ce que les anciens présidents pourront être candidats ?
A.R : Ecoutez, Madagascar, depuis cinquante ans maintenant, n’a plus d’espoir, et les anciens présidents ont marqué leur mauvaise foi. C’est la déception du peuple malgache, et les mensonges qui ont conduit le pays à la pauvreté. Donc, je ne pense pas que c’est une bonne solution que les anciens présidents se présentent pour ces élections présidentielles.
RFI : Mais si par exemple, Marc Ravalomanana souhaite rentrer à Madagascar et se présenter, qu’est ce qu’il lui arrivera ?
A.R : L’ancien président est aujourd’hui jugé et condamné par la justice, donc la loi ne lui permet pas de se présenter à l’élection présidentielle.
RFI : C’est-à-dire que s’il rentre à Madagascar, il risque d’être arrêté et de se retrouver en prison ?
A.R : La justice est indépendante à Madagascar.
RFI : Dans le projet d’accord de Pretoria, il était prévu de suspendre les mesures judiciaires contre lui ?
A.R : C’est dommage qu’il n’ait pas signé et qu’il n’ait pas accepté l’accord de Pretoria. Maintenant, le pays a besoin de renouveau. Le pays a besoin d’avancer. Nous allons avancer et, justement, la veille de notre cinquantième anniversaire de l’indépendance, Madagascar mérite un nouveau président, d’un sang neuf, un homme de renouveau pour conduire ce pays.
RFI : Vous savez que l’Organisation sous-régionale de l’Afrique est très proche des positions de Marc Ravalomanana. Ne craignez-vous pas que votre scénario soit rejeté par la SADC et la communauté internationale ?
A.R : Il ne faut pas soutenir un homme, et la communauté internationale ne devrait pas soutenir un homme. Il faut soutenir le processus vers le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Je lance un appel solennel à la communauté internationale pour qu’elle prenne ses responsabilités dans l’accompagnement effectif de ce processus électoral qui garantira la paix. Personne n’a intérêt aujourd’hui à ce que les troubles reviennent à Madagascar.
RFI : Jusqu’à présent, vous n’étiez pas invité au Sommet franco-africain de Nice du 31 mai prochain. Est-ce que maintenant vous souhaitez y être invité ou pas ?
A.R : Ecoutez, depuis six mois, Madagascar n’avait pas la reconnaissance internationale. Maintenant, depuis que j’ai fait cet acte hautement civique, et en sacrifice pour le pays, ce serait vraiment volontiers, et avec un grand plaisir, si je rencontrais les présidents francophone à Nice.
RFI : Mais avez-vous déjà été invité ? C’est fait ?
A.R : Je n’ai pas encore été invité, mais je suppose que là, tous les blocages ont été épargnés. Et je pense que je serai peut-être invité. Ce serait un grand plaisir, et un honneur pour moi-même et le peuple malgache de représenter Madagascar pour cette rencontre.
RFI : Dans votre décision de vous retirer après dix-huit mois de pouvoir, est-ce que vous vous inspirez d’un modèle qui a déjà eu lieu en Afrique ou ailleurs ?
A.R : Ecoutez, je suis et je resterai celui qui a ramené et veut ramener la démocratie et la liberté à Madagascar. Et je serai toujours là pour servir la Nation et participer à sa reconstruction.
RFI : C’est-à-dire qu’après votre d épart du pouvoir en novembre prochain, vous resterez disponible, peut-être pour revenir cinq ans plus tard comme ATT [Amadou Toumani Touré, ndlr] au Mali. C’est ça ?
A.R : Pourquoi pas. Si Dieu le veut. Pourquoi pas.
RFI : Vous êtes jeune, vous avez 34 ans ?
A.R : J’aurai 36 ans cette année.
RFI : Donc, vous êtes jeune ?
A.R : Je suis jeune (rires). J’ai encore l’avenir devant moi.
Propos recueillis par Christophe Boisbouvier.