Poursuivi par la justice de son propre pays pour avoir tenté d’enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon, a demandé une mise en disponibilité pour travailler comme "consultant externe" à la Cour pénale internationale (CPI).
MADRID (AFP) - Poursuivi par la justice de son propre pays pour avoir tenté d’enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon, a demandé une mise en disponibilité pour travailler comme "consultant externe" à la Cour pénale internationale (CPI).
Ce poste lui a été offert par le procureur de la CPI, l’Argentin Luis Moreno Ocampo, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.
"La vaste expérience du juge Garzon dans les enquêtes sur les crimes de masse commis par des Etats et des organisations non étatiques sera d’une grande aide pour mes services", a déclaré le procureur Luis Moreno-Ocampo, cité dans un communiqué.
Le juge Garzon qui va "aider" le bureau du procureur à "améliorer ses méthodes d’investigation", a déjà participé à l’examen préliminaire mené en Colombie sur des crimes commis par des paramilitaires, selon le communiqué.
M. Moreno-Ocampo avait récemment apporté son soutien au juge Garzon face à ses démêlés judiciaires, soulignant qu’il était "un exemple" en Argentine, n’ayant "pas eu peur d’enquêter sur des gens de pouvoir".
Le juge Garzon, 54 ans a accepté la proposition et demandé formellement, mardi, une mise en disponibilité pour une durée initiale de sept mois auprès de l’autorité de tutelle de la justice espagnole, le Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ).
Le magistrat serait, pour son nouveau travail, basé à La Haye aux Pays-Bas, où siège la CPI, mais pourrait voyager dans les différents pays où la Cour mène des enquêtes.
Le nouveau poste ne serait que temporaire et le juge Garzon pourrait retrouver plus tard sa fonction de juge à l’Audience nationale.
Cette mise entre parenthèse de sa carrière espagnole lui permettra d’éviter formellement d’être suspendu par le CGPJ dans le cadre des poursuites dont il est l’objet.
Le ministre espagnol de la Justice, Francisco Caamaño a assuré qu’il s’agissait d’une "décision personnelle" qui "n’a pas beaucoup à voir avec d’autres polémiques".
Mondialement connu pour avoir fait interpeller en 1998 à Londres l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, le juge Garzon est poursuivi dans trois dossiers distincts par le Tribunal suprême espagnol.
Il est principalement accusé de "prévarication" pour avoir voulu pour la première fois enquêter sur les disparus de la Guerre civile et sur la répression franquiste, en enfreignant "sciemment" la loi d’amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco.
Il est aussi inquiété dans un dossier portant sur le paiement indirect par la banque Santander de conférences sur le terrorisme qu’il a données à New York en 2005 et 2006 et après lesquelles il a classé sans suite une plainte contre Santander pour délit fiscal.
Il est enfin poursuivi pour avoir ordonné des écoutes téléphoniques, présumées illégales, dans le cadre d’une enquête pour corruption concernant la droite espagnole.
Pour chacune de ces affaires, il risque une peine de 20 ans d’interdiction d’exercice de sa fonction de juge, ce qui mettrait fin à sa carrière.
La mise en accusation du juge Garzon pour son enquête avortée sur le franquisme, a suscité une vive controverse en Espagne, choquant profondément les milieux de gauche et les associations de victimes du franquisme.
La principale association de victimes du franquisme, l’ARMH, a déploré mardi "l’exil" de Garzon.
Créée en 1998, la CPI est le premier tribunal pénal international permanent ayant pour fonction de poursuivre les crimes les plus graves ayant une portée internationale, tels que les génocides et crimes contre l’humanité.