Pierre Marion, décédé à l’âge de 89 ans, avait été le premier patron des services secrets de l’ère Mitterrand qu’il avait tenté de réformer en profondeur avant d’être remercié dix-sept mois plus tard par le président socialiste.
PARIS (AFP) - Pierre Marion, décédé à l’âge de 89 ans, avait été le premier patron des services secrets de l’ère Mitterrand qu’il avait tenté de réformer en profondeur avant d’être remercié dix-sept mois plus tard par le président socialiste.
Son épouse Jane Marion a précisé à l’AFP qu’il était éteint le 17 mai à Louviers (Eure) et que ses obsèques s’étaient déroulées mardi à La Celle-Saint-Cloud où il résidait.
Né le 24 janvier 1921 à Marseille, Pierre Marion, brillant polytechnicien - il était entré à l’X à l’âge de 18 ans - passe près de trente ans à Air France ou il occupe plusieurs postes à responsabilités de 1956 à 1972. Il devient ensuite délégué général d’Aérospatiale pour l’Amérique du Nord pendant dix ans.
C’est là que son ami Charles Hernu, tout nouveau ministre socialiste de la Défense de François Mitterrand, va le chercher pour lui demander - à sa grande surprise - de diriger les services secrets.
Cet homme grand et mince, à la fine moustache, remplace le 17 juin 1981 l’inamovible Alexandre de Marenches à la tête du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece) depuis douze ans.
Pierre Marion entame alors une modernisation des services secrets français, jusque là largement contrôlés par les militaires et les réseaux africains. En avril 1982, il change le nom de Sdece en Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
Il sera le premier patron des services secrets français à demander aux agents en poste à l’étranger de se lancer dans l’espionnage économique, même aux dépens de "nos amis américains".
Ce bourreau de travail est pourtant remercié, le 10 novembre 1982, après dix-sept mois seulement passés à la tête des services secrets. Il avait notamment exprimé son désaccord sur l’organisation de la lutte anti-terroriste par la cellule de l’Elysée de Christian Prouteau.
François Mitterrand le nomme président d’Aéroports de Paris en décembre 1982, poste qu’il occupera jusqu’en janvier 1986, date à laquelle il est atteint par la limite d’âge.
Quelques années plus tard, Pierre Marion règle ses comptes. D’abord avec le complexe militaro-industriel français dans "Le Pouvoir sans visage" (Calmann-Lévy, 1990) accusé d’avoir couvert des trafics d’armes vers des pays étrangers ou d’avoir imposé des programmes d’équipements militaires "d’une finalité stratégique douteuse".
Dans son second brûlot, "Mémoires de l’ombre" (Flammarion) en 1999, il vise alors directement François Mitterrand dont il dit "avoir été victime d’un abus de confiance".
Dénonçant la "propension de Mitterrand à l’immobilisme et ses difficultés à prendre une décision", son "absence de culture et de compréhension des systèmes financiers", il l’accuse d’un "gigantesque égocentrisme qui n’est tempéré par aucun sens moral".
Pierre Marion reproche également à l’ancien président son "erreur" dans la réorganisation de la lutte antiterroriste après l’attentat de la rue des Rosiers en août 1982 et ses "fautes de jugement dans le choix des hommes" avec la création de la cellule antiterroriste de l’Elysée.
Il dit avoir quitté la DGSE "convaincu des risques personnels que comporte la direction d’un service aussi délicat que la DGSE, face à un homme déterminé (M. Mitterrand, ndlr) à ne pas tenir ses engagements".