Alors que la Réunion doit faire face à la menace requin, cette situation est suivie de près dans l’hexagone par l’IRD, l’Institut de Recherche pour le Développement. Bernard Séret est un spécialiste des requins et biologiste marin. Il livre son analyse concernant l’augmentation du nombre d’attaques de squales aux abords des côtes réunionnaises. Interrogé sur les filets anti-requins, le scientifique émet des réserves quant à l’efficacité de ce dispositif qu’il qualifie de "destructeur".
Vous suivez cette actualité requin depuis plusieurs mois. Y-a-t-il un problème requin à la Réunion ?
Bernard Séret : Oui, je crois qu’on peut le dire. Jusqu’à présent, on a eu quatre accidents, enfin cinq si l’on compte celui du mois de juillet. Il y a eu deux morts. Quand on regarde dans le passé, on a eu en 1992 quatre accidents aussi avec deux cas mortels. Mais là, on est vraiment dans une situation particulière.
Peut-on identifier les causes de ces attaques qui se répètent ?
Bernard Séret : Pour l’instant, on ne peut pas les identifier. On a seulement des hypothèses. Il faudrait déjà analyser d’une manière scientifique tous ces cas parce que l’information que nous avons sur ces accidents n’est pas assez détaillée. Il faut en faire une analyse précise. D’autre part, il y a plusieurs causes possibles mais nous n’avons pas les éléments scientifiques pour expliquer véritablement ce phénomène.
Des études scientifiques vont être menées avec des résultats attendus dans les deux ans. Peut-on dire que la Réunion va devenir un laboratoire pour les requins ?
Bernard Séret : Ce sera un laboratoire pour l’étude des requins. Il faut attendre deux ans, oui et non parce que des méthodes acoustiques seront employées et ces données seront connues en temps réel. On mettra des balises sur les requins et on les suivra pendant quelques heures, voire quelques jours dans les meilleurs cas pour comprendre leurs habitudes. Naturellement, ce dispositif ne donnera qu’une information partielle. Ensuite, il faudra plusieurs mois avec les balises électroniques qui enregistrent les mouvements du requin.
Y-a-t-il des mesures urgentes que l’on peut prendre dès maintenant ?
Bernard Séret : Comme je l’ai déjà préconisé, le mieux c’est de fermer les zones à risque temporairement. Je pense que c’est une mesure de précaution sage. On ne peut pas faire prendre de risque aux gens en ouvrant les plages et en connaissant la situation. L’homme n’est pas la proie favorite des requins. Manifestement, quand on analyse ces cas, on s’aperçoit que ces requins qui attaquent ont faim. Ils s’approchent très près des côtes. L’attaque du kayak prouve qu’ils cherchent de la nourriture. La proximité d’une ferme aquacole pourrait peut-être expliquer cette cinquième attaque.
La pose de filets est -elle une bonne solution ?
Bernard Séret : A un moment donné oui, ça l’a été car on n’avait pas conscience de l’impact que les filets ont sur l’environnement. C’était dans les années 50/60 en Afrique du Sud et en Australie. Techniquement, on ne peut pas en mettre à la Réunion. La topographie du site ne le permet pas. Et il faut garder en tête que ces filets ont un effet destructeur et ne garantissent pas un sécurité à 100%. La preuve, il y eu trois accidents en Afrique du Sud l’an dernier.
La Réunion est très exposée en ce moment. Faut-il tomber dans la psychose pour autant ?
Bernard Séret : Non. C’est normal que ce soit passionnel. Quand il y a mort d’homme, une série d’attaques comme celles-ci, c’est normal mais les autorités ont, je pense, un certain sang-froid puisqu’elles ont le courage aussi. C’est une décision politique qu’elles prennent aujourd’hui tout simplement car on ne peut faire autrement. Nous scientifiques, n’avons pas les données pour les conseiller utilement.